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DROIT DU TRAVAIL

Abrégés juridiques

23 Juin 2016

Facebook et le licenciement pour motif grave

Facebook et le licenciement pour motif grave

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L'avènement des réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter pose plusieurs questions en droit du travail notamment en ce qui concerne la limite entre la vie privée et le droit de l'employeur.

A cet égard, on peut se demander si l'exercice d'un droit de critique ou la tenue de propos critiquables envers des supérieurs ou des collègues peut être considéré comme une faute justifiant un licenciement du travailleur pour motif grave ?

Pour répondre à cette question, il y a lieu dans un premier temps de rappeler que la jurisprudence européenne considère en principe le compte Facebook comme un site public, et ce peu importe les options du compte 1.

En effet, il a été jugé que les informations publiées sur une page Facebook « publique » à laquelle tout internaute a accès, voire même celles dont l'accès est limité aux amis du titulaire du profil mais également aux amis de ses amis », perdent leur nature privative 2. Quant aux informations accessibles aux seuls « amis » du travailleur intéressé, elles seront considérées comme publiques lorsque le nombre d' « amis » du travailleur est important ou lorsque certains d'entre eux font partie du personnel de l'entreprise 3.

Le travailleur dispose, en principe, d'un droit de critique envers son employeur ou de ses collègues, et ce tant dans l'entreprise qu'en dehors de celle-ci, dans les limites toutefois qui peuvent être imposées à la liberté d'expression 4.

Le droit à la liberté d'expression est, en effet, reconnu au travailleur en vertu des articles 19 de la Constitution, 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme et 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce droit implique non seulement celui d'avoir une opinion, de rassembler des informations ou des idées mais également de les diffuser ou même de formuler des critiques 5.

La liberté d'expression du travailleur doit toutefois se concilier avec le principe de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, lequel emporte une obligation de loyauté réciproque entre l'employeur et le travailleur, en raison de la relation de confiance qui doit exister entre eux 6.

Il convient dès lors de rechercher le juste équilibre entre, d'une part, la liberté du travailleur de s'exprimer et, d'autre part, ses obligations à l'égard de l'employeur.

Il en résulte que si la critique est, en principe, admissible, elle pourrait être considérée comme un motif grave si elle rend impossible la poursuite des relations contractuelles entre le travailleur et son employeur 7.

Tel est le cas, par exemple, si la critique est excessive dans sa formulation 8, c'est-à-dire si elle est offensante ou calomnieuse à l'égard de l'entreprise ou d'un membre de son personnel 9, si la publication qui est donnée à la critique risque de saper l'autorité de l'employeur 10 ou encore si les informations publiées ont pour effet de divulguer des informations couvertes par l'obligation de confidentialité et le secret des affaires 11.

L'employeur ne pourra donc procéder à un licenciement pour motif grave que si les critiques émises par son travailleur sur Facebook doivent être effectivement insultantes pour l'employeur ou nuire à sa réputation 12.

A cet égard, il y aura lieu de tenir compte de la fonction exercée par le travailleur 13, du climat social de l'entreprise 14, de la nature dénigrante ou agressive des remarques, de l'absence d'intention de nuire du travailleur 15, du caractère mensonger de sa critique 16 et de son ignorance quant à la portée de ses écrits compte tenu de son manque de maîtrise des propriétés techniques de Facebook 17.

C'est sur l'employeur que repose la charge de prouver le motif grave. A cet égard, la loi du 13 juin 2005 sur les communications électroniques interdit normalement à l'employeur de prendre intentionnellement connaissance de l'existence d'une information de toute nature transmise par voie de communication électronique et qui ne lui est pas destinée personnellement et de faire un usage quelconque de l'information ainsi obtenue 18. Par communication, il y a lieu d'entendre toute information échangée ou acheminée entre un nombre fini de parties au moyen d'un service de communications électroniques accessible au public.

Il faut donc que l'information soit acheminée entre un nombre fini de parties pour qu'elle soit protégée. On pourrait dès lors considérer que le fait de publier des informations sur un mur d'un profil Facebook n'entraîne pas la protection du secret des communications quant au contenu de la page, puisque l'information n'est pas acheminée entre un nombre défini de personnes mais, rendue accessible sur une page web à un nombre plus ou moins déterminable de personnes selon le paramétrage du profil 19.

En toute hypothèse, une preuve irrégulièrement obtenue ne sera écartée par le juge que si le droit à un procès équitable est menacé, si la crédibilité de la preuve est entachée ou si l'irrégularité constitue la violation d'une disposition prescrite à peine de nullité, ce qui n'est pas le cas de l'article 124 de la loi du 13 juin 2005 20.

___________________________

1. « Facebook peut-il être la cause d'un licenciement ? », M. Soc., 2014/1, p. 8

2. Trav. Louvain, 17 novembre 2011, R.T.D.I., 2012, p. 79.

3. H. Deckers, « Facebook et motif grave », Chron. D.S. 2013/2, p. 114.

4. K. Rosier, « Réflexions sur le droit au respect de la vie privée et la liberté d'expression sur Facebook dans le cadre des relations de travail », R.D.T.I., 2012/1, n° 46, p. 96.

5. P. Humblet, « De la liberté d'expression des travailleurs salariés », Chron. D.S., 2003, p. 157.

6. Article 16 de la loi du 3 juillet 1978 sur le contrat de travail.

7. Cass., 9 mars 1987, J.T.T., 1987, p. 128.

8. C. trav. Bruxelles, 8 janvier 2013, Chron. D. S., 2014, p. 165,

9. C.trav. Liège, 16 décembre 2008, R.G. 8553/08, www.juridat.be

10. Trav. Bruxelles, 9 juillet 1985, J.T.T., 1985, p. 477.

11. Cour Trav. Bruxelles, 23 mai 2006, J.T.T., 2007, p. 343.

12. Trav. Louvain, 17 novembre 2011, R.T.D.I., 2012, p. 79.

13. Ibidem.

14. Trav. Namur, 10 janvier 2011, J.T.T. 2011/ 1112, p. 462.

15. B. Paternostre,, «  Motif grave et droit de critique au nom de la liberté d'expression », Ors., 2015/3, p. 21.

16. C. trav. Bruxelles, 21 avril 2004, R.G. n° 41 024, www.juridat.be

17. Cour Trav. Bruxelles, 4 mars 2010, Chr. D.S., 2011, p.396.

18. Article 124 de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques.

19. K. Rosier, « Réflexions sur le droit au respect de la vie privée et la liberté d'expression sur Facebook dans le cadre des relations de travail », R.D.T.I., 2012/1, n° 46, p. 94.

20. Cass., 2 mars 2005, J.T., 2005, p. 212.