La visite domiciliaire par l'inspecteur social
La visite domiciliaire par l'inspecteur social
Les inspecteurs sociaux sont des services qui ont été mis en place afin de garantir le respect des règlementations portant sur le droit social1. A cette fin, des pouvoirs leur sont reconnus par le Code pénal social. Ils peuvent, notamment, accéder aux lieux de travail et à ceux prévus par ledit Code 2, de même qu'aux lieux habités par le biais d'une visite domiciliaire.
La visite domiciliaire par l’inspecteur sociale est régie par l’article 24 du Code pénal social.
Elle peut être définie comme « l’exploration de l’habitation de quelqu’un ». Elle commence « quand le contrôleur va au-delà de l’endroit initialement assigné par l’occupant à la simple rencontre, pour explorer les lieux qui ne sont normalement pas destinés à recevoir les étrangers »3. Compte tenu de cette considération, la visite domiciliaire ne peut être confondue avec la visite au domicile, qui couvre plus largement le droit d’accès à l’habitation 4.
Il y a lieu également de distinguer la visite domiciliaire de la perquisition proprement dite, qui consiste en « une mesure coercitive, par laquelle l’autorité compétente, dans les cas prévus par la loi et selon les règles qu’elle prescrit, pénètre dans un endroit bénéficiant de la protection de l’inviolabilité du domicile en vue d’y rechercher des preuves et de saisir des pièces à conviction d’un crime ou d’un délit » 5.
La visite domiciliaire peut se dérouler à toute heure du jour et de la nuit, alors que la perquisition ne peut être effectuée qu’après 5 heures du matin et avant 21 heures le soir.
L’article 24, §1er du Code pénal social reconnait aux inspecteurs sociaux la possibilité de pénétrer librement dans les lieux habités, sans autorisation préalable du juge d’instruction, uniquement dans les cas suivants :
- lorsque les inspecteurs sociaux se rendent sur place pour constater une infraction en flagrant délit ;
- à la demande ou avec l’accord de la personne qui a la jouissance réelle de l’espace habité, la demande ou l’accord devant être donné par écrit et préalablement à la visite domiciliaire ;
- en cas d’appel provenant de ce lieu ;
- en cas d’incendie ou d’inondation.
La même faculté est reconnue aux inspecteurs sociaux, lorsque ceux-ci sont en possession d’une autorisation de visite domiciliaire délivrée par le juge d’instruction 6.
La délivrance de cette autorisation n’a pas pour effet de rendre le juge d’instruction saisi d’une instruction, a fortiori d’une mini-instruction. Il s’agit simplement d’une procédure d’autorisation administrative dont la compétence est attribuée au magistrat-instructeur en raison de l’atteinte à la vie privée qu’elle occasionne 7.
La demande motivée adressée au juge d’instruction doit comporter au moins les indications suivantes :
- l'identification des espaces habités qui font l'objet de la visite domiciliaire ;
- la législation qui fait l'objet du contrôle et pour laquelle les inspecteurs sociaux sont d'avis qu'ils ont besoin d'une autorisation de visite domiciliaire ;
- lorsque c'est le cas, les infractions éventuelles qui font l'objet du contrôle ;
- tous les documents et renseignements desquels il ressort que l'utilisation de ce moyen est nécessaire 8.
Même si le Code pénal social ne reprend pas comme mention obligatoire l’identité des inspecteurs sociaux autorisés à procéder à une visite domiciliaire, le juge d’instruction veillera toutefois à la demander et à autoriser, le cas échéant, tous autres inspecteurs sociaux à les accompagner 9.
Les services d’inspection du travail sont également en droit d’obtenir une autorisation de visite domiciliaire pour l’accès aux espaces habités après 21 heures et avant 5 heures du matin moyennant motivation spéciale de la demande au juge d’instruction 10. A cet égard, constitue une demande spécialement motivée celle faite en vue de visiter certains domiciles établis dans des secteurs de nuit (restaurants, débits de boisson, night-shop et discothèques) 11.
Le magistrat-instructeur dispose de 48 heures à compter de la réception de la demande pour rendre une décision motivée ou spécialement motivée, dans le cas où la visite domiciliaire est effectuée entre 21 heures et 5 heures. Cette décision n’est soumise à aucun recours 12.
A cet égard, il y a lieu de préciser que l’absence de décision équivaut à un refus 13.
Enfin, toute visite domiciliaire faite en contradiction avec les principes rappelés ci-dessus est sanctionnée à deux titres. La première sanction touche à la validité même de la procédure : les procès-verbaux d’audition et de constat d’infraction, et, partant, la décision administrative sont sanctionnées de nullité 14. La seconde sanction, quant à elle, touche à la personne de l’inspecteur social. A cet égard, l’article 148 du Code pénal social punit d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de vingt-six à deux cents euros tout fonctionnaire de l’ordre administratif ou judiciaire qui, agissant en cette qualité, se sera introduit dans le domicile d’un habitant contre le gré de celui-ci, hors les cas prévus et sans les formalités prescrites par la loi 15.
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1. J.-C. Heirman, "La fraude sociale : l'affaire de tous", in La Fraude sociale, une priorité de politique criminelle?, sous la direction de Carla Nagels et Sybille Smeets, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 158-159.
2. Article 23 du Code pénal social.
3. C. trav. Mons, 20 septembre 2005, J.T.T., 2006, p. 64 ; J.-M. Souverijns, J-Cl. Heirman et G. Schreiber, « L’inspection des lois sociales – Ses compétences et ses relations avec le pouvoir judiciaire », in Le droit pénal social et les contrats de travail spéciaux, Bruxelles, Larcier, 1997, p. 45.
4. Voy. à cet égard : C. trav. Liège, 14 avril 2005, R.G. n°31932-03, inédit ; C. trav. Liège, 11 mars 1999, J.L.M.B., 2000, p. 1437. Contra : C. trav. Liège, 18 décembre 2002, R.G. n°30107/01, inédit.
5. H.-D., Bosly, D. Vandermeersch et M.-A. Bernaert, Droit de la procédure pénale, 5ème éd., Bruxelles, La Charte, 2008, p. 745.
6. Article 24, §1er du Code pénal social.
7. A. Chome, « Le droit pénal social », in Droit pénal et procédure pénale, Malines, Kluwer, 2012, pp. 16 et 17.
8. Article 24, §2, alinéa 1 du Code pénal social.
9. C.-E. Clesse, Droit pénal social, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 127 et 128.
10. Article 24, §2, alinéa 2 du Code pénal social.
11. C. Clesse , « Le droit pénal social », in Guide juridique de l'entreprise - Traité théorique et pratique, 2ème édition, Titre VI, Livre 70.2, Waterloo, Kluwer, 2014, p. 33.
12. Article 24, §3 du Code pénal social.
13. C. Clesse , « Le droit pénal social », in Guide juridique de l'entreprise - Traité théorique et pratique, 2ème édition, Titre VI, Livre 70.2, Waterloo, Kluwer, 2014, p. 33.
14. C. trav. Liège, 18 décembre 2002, R.G. n°30107/01, inédit ; C. trav. Liège, 7 décembre 1999, R.R.D., 2000, p. 114 ; C. trav. Liège, 3 septembre 1998, J.T.T., 1998, p. 452. ; Trib. trav. Bruxelles, 24 avril 2002, J.T.T., 2002, p. 467.
15. C.-E. Clesse, Droit pénal social, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 127 et 128.