Les intérêts de retard en matière fiscale – Cour constitutionnelle
Les intérêts de retard en matière fiscale – Cour constitutionnelle
Encore une belle différence de traitement validée par la Cour constitutionnelle, l’intérêt fiscal en faveur de l’Etat de 4% est validé alors qu’il est de 2% pour le contribuable belge…la justification de la Cour laisse perplexe:
Principe
Le Code des impôts sur les revenus 1992 (« CIR/92 ») octroie à l’administration fiscale le droit de réclamer des intérêts en cas de retard de paiement de l’impôt dû.
L’article 413 CIR/92 prévoit que l’impôt doit être payé dans les deux mois de l’envoi de l’avertissement-extrait de rôle. Ainsi, l’envoi de l’avertissement-extrait de rôle conditionne la prise de cours des intérêts de retard à défaut de paiement de l’impôt dans le délai de deux mois.
L’article 418 CIR 92 énonce quant à lui qu’en cas de remboursement d’impôts en faveur du contribuable, un intérêt moratoire est alloué au taux de l’intérêt légal, calculé par mois civil.
Jusqu’au 31/12/2017, le contribuable avait tout intérêt à effectuer le règlement des sommes réclamées par l’avertissement-extrait de rôle, et ce même en cas de contestation.
En cas de succès de sa contestation, il avait droit à un remboursement de l’impôt, majoré des intérêts moratoires au taux de 7 % l’an et ce net d’impôt
En cas d’échec de sa contestation, le fait d’avoir déjà réglé l’impôt lui évitait de devoir payer en complément des intérêts de retard d’un montant de 7% l’an.
Depuis le 01/01/2018, la loi a été modifiée. Ainsi, l’article 414 du CIR/92 énonce à présent que : « § 1er. À défaut de paiement dans les délais fixés aux articles 412, 413 et 413/1, les sommes dues sont productives au profit du Trésor pour la durée du retard, au taux par dérogation à l’article 2, § 2, de la loi du 5 mai 1865 relative au prêt à intérêt, d’un intérêt au taux tel que déterminé conformément à l’alinéa 2, calculé par mois civil.
Ce taux est adapté annuellement, et correspond à la moyenne des indices de référence relative aux obligations linéaires à 10 ans des mois de juillet, août et septembre de l’année précédant celle au cours de laquelle le taux est applicable, sans que celui-ci ne puisse être inférieur à 4%, ni supérieur à 10%. Ces indices sont publiés par l’agence fédérale de la Dette, tels que visés à l’article 8 de l’arrêté royal du 14 septembre 2016 relatif aux coûts, aux taux, à la durée et aux modalités de remboursement des contrats de crédit soumis à l’application du livre VII du Code de droit économique et à la fixation des indices de référence pour les taux d’intérêt variables en matière de crédits hypothécaires et de crédits à la consommation y assimilés.
Le service public fédéral finances fait connaître, via un avis au Moniteur belge, au courant du dernier trimestre de chaque année le taux applicable pour l’année civile qui suit en vertu des dispositions de l’alinéa 2.
Cet intérêt est calculé par mois civil pour chaque cotisation sur la somme restante due, [arrondie au multiple inférieur de 10 euros, à partir soit du premier jour du mois qui suit celui de l’échéance, soit à partir du premier jour du mois qui suit celui du paiement précédent pour autant qu’une somme ait été imputée sur la dette en principal, jusqu’au dernier jour du mois au cours duquel a lieu le paiement ».
Suivant la loi du 25 décembre 2017 portant réforme de l’impôt des sociétés (M.B. 29/12/2017), l’article 90 précise que : « Pour l’année civile 2018, conformément aux dispositions de l’article 414, § 1er, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, le taux visé à l’article 414, § 1er, 1°, du même Code est fixé à 4%
Par conséquent, pour l’année civile 2018, conformément aux dispositions de l’article 418, alinéa 2, du même Code, le taux visé à l’article 418, alinéa 1er, du même Code est fixé à 2% »
Quelle est la conséquence ?
En cas d’échec de la contestation du contribuable et de non payement de la dette d’impôt, le taux d’intérêt en faveur de l’Etat belge s’élève à 4% l’an depuis la date de payement (deux mois après l’avertissement-extrait de rôle).
Si le contribuable obtient gain et qu’il avait, comme tout bon contribuable, payé sa dette d’impôt, il a droit à un remboursement d’impôt augmenté d’un intérêt au taux de …2% l’an et… ce depuis la mise en demeure de l’Etat.
Enfin, le paiement immédiat de l’impôt évite que l’Administration enclenche une procédure de recouvrement forcé à concurrence de l’incontestablement dû.
N’y aurait-il pas une discrimination flagrante entre l’Etat au sens large (entendre donc les régions, les provinces et les communes) et les contribuables ? Poser la question, c’est y répondre.
La cour constitutionnelle a considéré, dans un arrêt n° 168/2018 du 29/11/2018 (http://www.const-court.be/public/f/2018/2018-168f.pdf), qu’il n’y avait pas de discrimination….
Elle dit pour droit que : « La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la qualité du créancier, qui est, dans un cas, l’État, lequel défend l’intérêt général, et qui, dans l’autre, peut être un particulier, lequel peut ne défendre qu’un intérêt personnel.
La différence de traitement n’est pas dénuée de justification raisonnable. Ainsi qu’il a déjà été exposé en B.3.2, en vue de sauvegarder les intérêts du Trésor et d’assurer une perception efficace de l’impôt, le législateur a pu estimer qu’il était nécessaire de soumettre les contribuables redevables de l’impôt sur les revenus à des intérêts de retard dont le taux ne
peut être inférieur à 4 %.
Bien qu’un autre système soit tout à fait envisageable, l’on ne peut pas raisonnablement soutenir, dans cette optique, qu’il est injustifié qu’un contribuable qui n’a pas acquitté ses dettes fiscales dans le délai imparti doive payer des intérêts de retard dérogeant aux règles de droit commun »
Soulignons au passage que la Cour n’a même pas répondu sur la différence de traitement quant à la prise de compte des intérêts, à savoir une application automatique des intérêts en faveur de l’Etat et une application soumise à une formalité lorsque le contribuable est créancier de l’Etat.
Cette question ne vaut que pour les impôts sur les revenus et pas les droits de succession, ni des droits d’enregistrement pour lesquels le taux d’intérêt est toujours de 7% l’an…
Notre conseil :
Pour autant qu’ils disposent des liquidités suffisantes, nous conseillons aux contribuables de régler les impositions dans le délai de deux mois.
En cas de contestation, il convient de payer le montant de l’impôt, mais également de mettre en demeure dès le jour de la contestation l’autorité fiscale de rembourser le montant de l’impôt.
Aurelien BORTOLOTTI
4000 Liège