Les biens meubles corporels insaisissables
Les biens meubles corporels insaisissables
Il ressort des articles 7 et 8 de la loi hypothécaire, qu’en principe, tous les biens meubles et immeubles appartenant au débiteur sont saisissables, sauf s’ils ne le sont pas par nature ou s’ils sont exclusivement attachés à la personne du saisi 1.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 26 septembre 2008, a néanmoins décidé qu’en vertu du principe de la territorialité, le juge belge ne peut ordonner une mesure de saisie qui a trait à un bien se situant sur le territoire d’un Etat étranger et un créancier ne peut charger un huissier de justice que de saisir les biens de son débiteur qui se situent en Belgique 2.
La saisissabilité étant le principe, les exceptions doivent être expressément prévues par la loi et être entendues restrictivement. En cas de doute, il conviendra d’opter pour la saisissabilité.
Le principe de saisissable, de même que les exceptions à ce principe, et les textes qui les consacrent sont d’ordre public. Il en résulte d’une part que l’assiette d’une saisie ne peut, au moment de l’exécution, être conventionnellement étendue en y englobant des biens déclarés insaisissables par la loi et que, d’autre part, le débiteur ne peut renoncer par avance à invoquer le bénéfice d’une cause légale d’insaisissabilité 3.
Certains biens meubles sont insaisissables soit par nature, soit parce qu’ils sont étroitement attachés à la personne, soit parce qu’ils sont déclarés tel par la loi 4.
Les biens meubles insaisissables par nature sont les biens qui ne peuvent être cédés ou vendus. C’est le cas par exemple, des biens étroitement attachés à la personne du débiteur tels que le droit d’usufruit des père et mère sur les biens de leurs enfants mineurs, la correspondance privée, même si elle a une valeur marchande, des prothèses 5, etc….
En ce qui concerne les objets mobiliers devenus immeubles par destination économique ou par incorporation, la Cour de cassation considère que ceux-ci ne peuvent être saisis que par une saisie immobilière portant sur l’ensemble du fonds au service duquel ils sont affectés. Ils ne peuvent dès lors pas être saisis indépendamment de l’immeuble 6.
S’agissant des meubles déclarés insaisissables par la loi, c’est l’article 1408 du Code judiciaire qui énumère l’ensemble des meubles corporels qui ne peuvent pas être saisis, sous réserve des lois particulières qui énuméreraient d’autres biens meubles insaisissables. Cet article ne s’applique toutefois que pour les saisies pratiquées à l’encontre d’une personne physique, à l’exclusion des saisies portant sur les biens d’une personne morale 7.
Les biens meubles qui ne peuvent être saisis peuvent être classés en cinq catégories :
1° Le mobilier familial nécessaire et indispensable à la vie quotidienne du saisi et des siens.
Il s’agit du coucher nécessaire du saisi et de sa famille, des vêtements et du linge indispensable à leur propre usage, ainsi que les meubles nécessaires pour les ranger, une machine à laver le linge et un fer à repasser, les appareils nécessaires au chauffage du logement familial, les tables et chaises permettant à la famille de prendre les repas en commun (3), ainsi que la vaisselle et les ustensiles de ménage indispensables à la famille, un meuble pour ranger la vaisselle et les ustensiles de ménage, un appareil pour la préparation des repas chauds, un appareil pour la conservation des aliments, un appareil d’éclairage par chambre habitée, les objets nécessaires aux membres handicapés de la famille, les objets affectés à l’usage des enfants à charge qui habitent sous le même toit, les animaux de compagnie, les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l’entretien des locaux, les outils nécessaires à l’entretien du jardin, le tout à l’exclusion des meubles et objets de luxe. Le but est donc d’assurer un minimum vital au saisi et à sa famille 8.
2° Les biens nécessaires à la poursuite des études et l’équipement professionnel du saisi.
Il s’agit des livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle du saisi ou des enfants à charge qui habitent sous le même toit. Aucune limitation n’est prévue par le législateur. Par conséquent, il y lieu de considérer que tout le matériel d’étude est insaisissable 9.
Les biens indispensables à la profession du saisi sont également insaisissables mais uniquement jusqu’à concurrence de 2500 €, valeur vénale au jour de la saisie, et au choix du saisi 10. En d’autres termes, c’est donc le saisi qui est libre de décider les biens qu’il veut garder dans le cadre de ces 2500 €, le reste pourra être saisi par le créancier saisissant.
3° Les objets servant à l’exercice du culte.
4° Les aliments et combustibles nécessaires au saisi et à sa famille pendant un mois. Il s’agit de sauvegarder des moyens de subsistance du débiteur et des siens.
5° Les animaux domestiques.
Ceux-ci ne doivent pas être confondus avec les animaux de compagnie. Là aussi, ce sont les moyens de subsistance du saisi et de sa famille que le législateur entend sauvegarder. Les animaux domestiques insaisissables sont donc une vache, ou douze brebis ou chèvres au choix du saisi, ainsi qu'un porc et vingt-quatre animaux de basse-cour, avec la paille, le fourrage et le grain nécessaires pour la litière et la nourriture desdits animaux pendant un mois.
Il y lieu de préciser que l’ensemble des biens énumérés par l’article 1408 du Code judiciaire deviennent saisissables s’ils se trouvent dans un autre lieu que celui où le saisi demeure ou travaille habituellement 11.
Enfin, l’article 1408, § 3, du Code judiciaire organise une procédure simplifiée et rapide qui permet au débiteur de contester devant le juge des saisies le caractère saisissable des biens ayant fait l’objet d’une mesure d’exécution 12.
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1. Article 7 et 8 de la loi hypothécaire.
2. Cass. 26 sept. 2008, J.L.M.B., 2009/18, p. 840.
3. P. Gielen, Les saisies mobilières, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 89.
4. Cass., 27 janv. 1983, Pas., 1983, I, p. 622.
5. Voy. G. de Leval, « La saisie immobilière », Rép. not., t. XIII, l. II, éd. 1984, n° 66.
6. Cass., 15 févr. 2007, J.L.M.B., 2007, p. 61.
7. Civ. Namur, 8 oct. 1993, Bull. contr., 1996, p. 36.
8. Civ. Liège, 6 juillet 1988, J.L.M.B., 1988, p. 1368.
9. P. Gielen, Les saisies mobilières, Bruxelles, Larcier, 2011, p. 91.
10. Article 1408 §1er, 3° du Code judiciaire.
11. Article 1408 §2 du Code judiciaire.
12. Article 1408 §3 du Code judiciaire.