Le pacte commissoire exprès
Le pacte commissoire exprès
En cas de manquement par une partie à ses obligations contractuelles, l'article 1184 du Code civil prévoit que l'autre partie a le choix d'opter soit pour l'exécution forcée du contrat, soit pour la résolution judiciaire avec des dommages et intérêts1.
En principe, la résolution du contrat doit donc être demandée en justice, ce qui présente un double inconvénient pour le créancier. D'une part, il s'expose aux lenteurs de la justice et, d'autre part, il n'est même pas sûr d'obtenir cette résolution compte tenu du pouvoir d'appréciation dont dispose le juge2.
Afin d'éviter ces difficultés, la doctrine et la jurisprudence admettent que les parties insèrent dans leur contrat une clause résolutoire expresse également appelée « pacte commissoire exprès ». Cette clause a pour effet d'autoriser le créancier, victime d'une inexécution de la part de son débiteur, à résoudre le contrat de plein droit, sans avoir à passer préalablement par le juge3.
En principe, le pacte commissoire exprès est licite4. Toutefois, compte tenu du fait que de telles clauses sont défavorables au débiteur, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour soit les interdire, soit les réglementer en faveur du débiteur qu'il juge digne d'intérêts.
Tel est le cas notamment en matière de bail de biens immeubles puisque l'article 1762bis du Code civil répute « non écrite » pareille clause dans les baux d'immeubles5. La résolution du contrat de bail d'immeuble doit donc obligatoirement être demandée en justice.
Il en est de même en matière de crédit à la consommation. L'article 29 de la loi du 12 juin 1991 interdit et répute non écrite la clause résolutoire expresse, sous réserve toutefois des trois cas particuliers prévus dans cette disposition6.
Lorsqu'aucune disposition n'interdit expressément le pacte commissoire exprès, les parties peuvent librement l'insérer dans leur contrat. Dans ce cas, elles doivent être particulièrement attentives dans la rédaction de cette clause, laquelle doit exclure, de manière certaine, le contrôle préalable du juge7. À défaut, le juge pourra considérer que la clause se contente simplement de se référer à l'article 1184 du Code civil qui confère à la résolution un caractère judiciaire8.
La clause peut viser tout manquement quel qu'il soit ou énumérer les manquements spécifiques dont la survenance peut donner lieu à la résolution du contrat9.
En principe, la mise en œuvre de la clause résolutoire expresse requiert une mise en demeure préalable du débiteur10. Les parties peuvent toutefois renforcer l'efficacité du pacte commissoire exprès en dispensant le créancier de l'accomplissement de cette formalité11.
Par ailleurs, même si le contrat contient une clause résolutoire exprès, le créancier peut conserver son droit d'option conféré par l'article 1184 du Code civil. Il est donc libre de mettre en œuvre la clause résolutoire expresse ou de demander l'exécution forcée de la convention12. Il est donc nécessaire, si le créancier désire opter pour la résolution du contrat, qu'il notifie sa décision au débiteur. La résolution ne pourra sortir ses effets qu'à compter du moment où le débiteur a eu connaissance de l'intention de son cocontractant ou a, à tout le moins, pu raisonnablement en être informé13. La notification doit, en outre, indiquer les manquements reprochés qui justifient la résolution14.
Par l'effet de la clause résolutoire expresse, le créancier peut résoudre le contrat sans passer préalablement par le juge. Le juge peut toutefois être amené à exercer un contrôle a posteriori lorsque le débiteur conteste la mise en œuvre du pacte commissoire exprès. Le rôle du juge peut avoir un quadruple objet15 :
- Le juge peut, tout d'abord, être amené à constater que la clause est interdite par le législateur. Dans ce cas, la résolution unilatérale est bien évidemment fautive.
- Le juge peut, ensuite, être amené à se prononcer sur l'interprétation de la clause lorsque celle-ci n'est pas rédigée de manière claire et compréhensible.
- Le contrôle judiciaire peut, également, porter sur la manière dont a été mise en œuvre la clause. Le juge doit donc vérifier si les conditions d'application de la clause ont bien été respectées.
- Enfin, le juge peut sanctionner le créancier lorsqu'il constate que la mise en œuvre du pacte commissoire exprès constitue un abus de droit dans le chef du créancier.
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1. Article 1184 du Code civil.
2. P. Wéry, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 793.
3. A. Culot B. Goffaux, C. Mostin et H. Vangindertael, La propriété immobilière. Libre 6. Emphytéoses et supercie, Larcier, Bruxelles, 2004, p. 121.
4. Cass., 19 avril 1979, R.C.J.B., 1981, p. 26.
5. Article 1762bis du Code civil.
6. Article 29 de la loi du 12 juin 1991.
7. S. Stijns, « La résolution pour inexécution en droit belge : conditions et mise en œuvre. Rapport belge », in Les sanctions de l'inexécution des obligations contractuelles. Études de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 578.
8. Cass., 28 mai 1964, Pas., 1964, I, p. 1017.
9. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 914.
10. Cass., 2 mai 1964, Pas., 1964, I, p. 934
11. V. Pirson, « Les clauses relatives à la résolution des contrats », in Les clauses applicables en cas d'inexécution des obligations contractuelles, Bruxelles, La Charte, 2001, p. 120.
12. Mons, 24 novembre 1975, Pas., 1977, II, p. 177.
13. Cass., 22 septembre 1994, Pas., 1994, I, p. 754.
14. Liège, 18 décembre 2003, R.D.C., 2005, p. 50.
15. P. Wéry, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 798.