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ARCHITECTE

Bon a savoir

9 Aout 2016

Le choix des matériaux utilisés pour la construction

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Présentation des faits 1

Un couple assigne en justice l'architecte, à qui il avait confié la réalisation de plans pour l'aménagement de son jardin et des abords de son habitation, ainsi que l'entrepreneur, chargé de la réalisation du chantier. Il demande leur condamnation in solidum ou l'un à défaut de l'autre, pour les vices et malfaçons constatés dans la réalisation du chantier commandé.

Une expertise est ordonnée. Suite à celle-ci, le couple renonce à son action à l'égard de l'architecte mais maintient sa réclamation contre l'entrepreneur. Le Tribunal de première instance de Namur déclare la demande dirigée contre l'entrepreneur irrecevable compte tenu du fait que le préjudice subi résulte d'un défaut de fabrication des rondins utilisés.

Le couple fait appel et postule cette fois la condamnation in solidum ou l'un à défaut de l'autre, de l'entrepreneur et de la société fabricante des rondins. La Cour d'appel de Liège rejette la demande dirigée à l'encontre de la société fabricante des rondins en béton. Elle considère néanmoins que l'architecte et l'entrepreneur sont responsables des désordres affectant les rondins en béton, chacun devant supporter la moitié du dommage.

Décision de la Cour de cassation

La Cour reprend les appréciations faites par l'expert judiciaire selon lesquelles : « les poteaux ont été utilisés conformément à leur destination (...) L'origine des désordres observés aux poteaux ne peut se trouver que dans la fabrication (...) Les problèmes se trouvent dans le matériau proprement dit ». Il résulte de ces explications que les rondins de béton litigieux ont été utilisés conformément à leur destination mais qu'il s'agit d'un produit inapproprié pour l'usage auquel il est destiné. Les rondins sont donc atteints d'un vice fonctionnel.

Les vices fonctionnels relèvent d'un problème de conception et non d'exécution. En conséquent, l'entrepreneur n'assume aucune responsabilité à l'égard de ce vice, sauf si l'impropriété du matériel était flagrante.

En l'espèce, la Cour constate que c'est l'architecte qui a imposé le recours aux rondins en béton. L'entrepreneur s'est contenté de fournir des matériaux conformes aux conditions contractuelles.

La Cour de cassation casse donc l'arrêt attaqué en ce que celui-ci a retenu la responsabilité de l'entrepreneur pour les dommages subis par les maîtres de l'ouvrage alors qu'aucune faute dans son chef n'a pu être démontrée.

Bon à savoir

L'article 1792 du Code civil prévoit que les entrepreneurs et architectes sont responsables pendant dix ans des malfaçons et vices de construction qui affectent la solidité ou la stabilité de la construction 2.

Plusieurs conditions d'application doivent être réunies pour la mise en œuvre de l'action en responsabilité décennale. Tout d'abord, il faut nécessairement un contrat d'entreprise portant sur une construction immobilière. Ensuite, l'action en garantie doit être intentée dans les dix ans qui suivent la réception définitive de l'ouvrage3.

Par ailleurs, la mise en œuvre de la responsabilité décennale passe nécessairement par la démonstration d'un manquement dans le chef de l'entrepreneur ou de l'architecte 4. Le maître d'ouvrage doit donc prouver que le vice est dû, soit à une faute de conception de l'architecte, soit à une faute de construction de l'entrepreneur, chacun d'eux étant responsable de sa propre faute 5.

En effet, l'architecte et l'entrepreneur n'assument pas les mêmes obligations contractuelles. Alors que l'entrepreneur doit fournir des matériaux conformes aux conditions contractuelles et exempts de vices intrinsèques. L'architecte est quant à lui responsable du choix des matériaux, ce qui relève de la conception 6.

Si le matériau choisi par l'architecte est exempt de vice intrinsèque mais que son emploi n'est pas adapté au projet commandé par le maître d'ouvrage, il s'agit d'un vice fonctionnel. Les vices fonctionnels relèvent d'un problème de conception et non d'exécution. C'est donc l'architecte qui assume la responsabilité du risque relatif à ce choix 7.

Ce principe doit être apprécié de manière nuancée lorsque l'architecte recourt à un matériau nouveau ou qu'il ne connaît pas ou peu. Dans une telle situation, il doit se renseigner autant que possible et obtenir le maximum d'informations à ce sujet.

Il en résulte que l'architecte ne peut pas être considéré comme responsable s'il a veillé à ce que les entreprises ou les fabricants auxquels il a fait appel aient procédé à toutes les études nécessaires et lui aient fourni des garanties jugées suffisantes 8A contrario l'architecte qui choisit un matériau sans avoir une connaissance suffisante de ses caractéristiques 9 ou qui prescrit un nouveau matériau sans s'être éclairé préalablement, ou s'être fait éclairer par un expert dont la notoriété est connue et fiable, engage sa responsabilité 10.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

____________________________

1. Cass., 11 octobre 2012, R&J, 2013/3-4, p. 251.

2. Article 1792 du Code civil.

3. J. Dewez, « Le régime des vices cachés dans les contrats de vente, de bail et d'entreprise », R.G.D.C., 2008/1, p. 57.

4. Cass., 15 décembre 1995, Arr. Cass., 1995, p. 1135.

5. J. Dewez, « Le régime des vices cachés dans les contrats de vente, de bail et d'entreprise », R.G.D.C.., 2008/1, p. 59.

6. Cass., 11 octobre 2012, R&J, 2013/3-4, p. 251.

7. Liège , 24 avril, 2013, J.L.M.B., 2014/34, p. 1615

8. A.Delvaux, B. De Cocqueau, R Simar, et F. Pottier, « La responsabilité des professionnels de la construction - volume 2 (Particularités de la responsabilité par profession ou par qualité d'intervenant) », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Livre 23 bis, Kluwer, Waterloo, 2008, p. 21.

9. Comm. Anvers, 10 avril 1991, Entr. et dr., 1995, p. 169.

10. Gand, 26 nov. 1993, R.W., 1994-1995, p. 1438.