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COMPTABLE

Bon a savoir

30 Juin 2016

La simulation à l'égard de l'administration fiscale

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Présentation des faits 1

Le 30 juillet 1994, G, un médecin spécialisé a constitué la S.P.R.L. N. qui a comme objet l'exercice de la neurochirurgie. Cette société a acquis de son dirigeant les immobilisations incorporelles dont il était le propriétaire. À la même date, G., son épouse et la S.P.R.L. N. ont acquis un immeuble de la manière suivante : G. et son épouse ont acquis chacun une moitié indivise de la nue-propriété de l'immeuble et la S.P.R.L. N. a acquis l'usufruit pour une durée de dix ans.

L'administration fiscale belge a cependant considéré que les charges de l'usufruit étaient à considérer pour moitié comme des avantages de toute nature dans le chef de G. et pour moitié comme des avantages anormaux et bénévoles accordés à son épouse.

L'administration fiscale leur a dès lors adressé plusieurs avis de rectification dans lesquels elle a majoré les rémunérations d'associés actifs déclarées par G. Nonobstant le désaccord de G. et son épouse, des cotisations ont été enrôlées à charge de ce dernier.

G. et son épouse ont dès lors introduit une action en justice afin de solliciter l'annulation des cotisations litigieuses et, à titre subsidiaire, le dégrèvement de celles-ci.

En première instance, le juge a annulé pour vice de forme les cotisations à l'impôt des personnes physiques enrôlées au nom de G. et de son épouse pour les exercices d'imposition 1998, 1999 et 2000. Il a également dit pour droit que l'apport de clientèle n'est pas simulé pour les exercices d'imposition 1996 et 1997 et a, en conséquence, annulé les accroissements d'impôts pour les exercices d'imposition 1995, 1996 et 1997.

Enfin, il a ordonné le dégrèvement à due concurrence des cotisations à l'impôt des personnes physiques enrôlées pour les exercices d'imposition 1995, 1996 et 1997. Pour le surplus, il a débouté G. et son épouse de leurs autres demandes.

G. et son épouse ont dès lors fait appel de cette décision afin que les autres griefs soulevés devant le Tribunal soient déclarés fondés.

 

Décision de la Cour d'appel de Mons

G. et son épouse reprochent au premier juge d'avoir considéré que la convention d'usufruit du 30 juillet 1994 dissimulait en réalité l'octroi au dirigeant d'entreprise et à son épouse d'avantages disproportionnés leur permettant d'acquérir rapidement et à moindre coût la pleine propriété d'un immeuble largement financé par la société.

L'administration fiscale répond quant à elle que les parties à la convention n'ont pas respecté les conditions légales de l'usufruit. Elle reproche également à G. et à son épouse d'avoir réalisé une opération sans lien avec l'objet social de la S.P.R.L. N., laquelle a été rendue possible par la collusion entre la société et son dirigeant et ce, en violation des dispositions prévues aux articles 133, paragraphe 3, et 138bis L.C.S.C. et 49 C.I.R. 1992.

L'administration fiscale estime qu'il y a dès lors simulation prohibée de la part des parties.

La Cour rappelle que la preuve de la simulation à l'égard de l'administration fiscale incombe à l'État belge qui doit établir que la convention litigieuse n'est qu'apparente et que les parties n'en ont pas accepté les conséquences juridiques. Cette preuve peut être apportée par présomptions.

A cet égard, la Cour constate qu'il n'est pas contesté que la S.P.R.L. N. a investi plus de 10.000.000 de francs belges pour l'achat de l'usufruit, les frais et les travaux liés à la maison d'habitation et a supporté près de 4 millions de charges sur cinq ans. Or, la Cour estime que si G. et la S.P.R.L. N. étaient deux agents économiquement indépendants, la société n'aurait pas consenti à supporter de telles charges compte tenu de son objet social.

Par ailleurs, la Cour constate que, parmi les dépenses prises en charge par la S.P.R.L. N., figurent des grosses réparations qui, en application de l'article 606 du Code civil, ne sont pas à charge de l'usufruitier, des réparations qui ne sont pas nécessitées par l'obligation de jouissance passive de l'usufruitier, ainsi que des dépenses somptuaires sans lien nécessaire avec l'objet social de la société, de sorte qu'en réalité ces réparations ne profitent qu'aux nus propriétaires.

Par ailleurs, elle estime qu'il n'est pas démontré que la S.P.R.L. N. avait besoin de supporter l'ensemble de ces charges pour pouvoir bénéficier de son usufruit. La Cour relève également que les nus propriétaires ont admis qu'ils allaient récupérer la pleine propriété de l'immeuble à l'expiration du terme de dix ans sans payer aucune indemnité, ce qui apparaît anormal dans le chef de l'usufruitier compte tenu de certains investissements qu'il a consentis.

Enfin, la Cour ajoute qu'il n'est pas prouvé que la S.P.R.L. N. exerçait une activité dans l'immeuble acquis en usufruit. Par conséquent, la Cour déclare qu'il n'est pas établi que l'acquisition de l'usufruit a procuré à la S.P.R.L. N. la jouissance de l'immeuble sur lequel il porte.

Il résulte dès lors, de ce qui précède, qu'il existe selon la Cour un faisceau de présomptions précises et concordantes que la convention d'usufruit est simulée et a été conclue non pas pour procurer à la S.P.R.L. N. la jouissance du bien immobilier mais pour lui faire supporter l'entièreté des charges et des travaux relatifs à l'immeuble au seul profit des nus propriétaires.

 

Bon à savoir

La simulation implique que des parties concluent simultanément deux conventions, l'une apparente et l'autre secrète, appelée la contre-lettre. Cette dernière a pour objet de détruire totalement ou partiellement les effets de la convention apparente mais elle exprime la volonté réelle de ces parties 2.

En principe, la simulation est licite et ne constitue pas en soi une cause de nullité de la convention.

La simulation peut toutefois devenir illicite en raison des mobiles qui peuvent animer les parties 3.

Ces mobiles illicites sont essentiellement de deux ordres 4 :

- frauder les droits des tiers en créant une fausse apparence, en fonction de laquelle des tiers règleront leur conduite et détermineront leurs droits, et celer les atteintes apportées aux droits de ces tiers par la contre-lettre traduisant la volonté réelle des parties ;

- tenter d'éluder l'application d'une loi d'ordre public ou d'une loi impérative qui devrait régir la convention réelle à la faveur d'une convention ostensible à laquelle cette loi d'ordre public ou cette norme impérative ne doit pas s'appliquer 5.

A cet égard, la Cour de cassation considère qu'il n'y a ni simulation prohibée à l'égard de l'administration fiscale ni, partant, fraude fiscale lorsqu'en vue de bénéficier d'un régime fiscal plus avantageux, les parties, usant de la liberté des conventions, sans toutefois violer aucune obligation légale, établissent des actes dont elles acceptent toutes les conséquences, même si la forme qu'elles leur donnent n'est pas la plus normale et même si ces actes sont réalisés à seule fin de réduire la charge fiscale 6.

La preuve de la simulation à l'égard de l'administration fiscale incombe donc à l'État belge qui doit établir que la convention litigieuse n'est qu'apparente et que les parties n'en ont pas accepté les conséquences juridiques. La question de la simulation se résumant en pratique à une question de fait, l'administration fiscale est admise à faire cette preuve par toutes voies de droit, témoignages et présomptions compris, à l'exception du serment 7.

L'administration doit dès lors apporter la preuve que l'acte apparent ne correspond pas à ce que les parties ont réellement voulu. Tel est le cas lorsque le contribuable établit des actes dont il n'accepte pas toutes les conséquences juridiques.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________________________

1. Mons, 28 mai 2014, J.L.M.B., 2015/20, p. 956.

2. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome 1, Bruxelles, Bruylant, 2010, n° 253.

3. P. Wéry, La théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 929.

4. S. Stijns, D. Van Gerven et P. Wéry, « Les obligations : les sources — Chronique de jurisprudence (1985-1995) », J.T., 1996, p. 752.

5. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, tome 1, Bruxelles, Bruylant, 2010n° 273.

6. Cass., 22 mars 1990, Pas., 1990, I, p. 849.

7. A. Culot, « Droits d'enregistrement, simulation et abus fiscal », Rec. gén. enr. not., 2015/ 1, p. 29.