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AVOCAT

Bon a savoir

26 Février 2016

SUPPRIME - Consultation des extraits de compte de l'avocat - Violation du secret professionnel

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SUPPRIME -

 

Présentation des faits 1

La requérante, Maître B., est une avocate de nationalité portugaise, résidant au Portugal.

Effectuant le contrôle de la comptabilité de la société d'avocats de Maître B., l'administration fiscale a relevé que celle-ci ne s'était pas acquittée de la taxe sur la valeur ajoutée concernant des honoraires perçus au cours des années 2005 et 2006, dont les paiements avaient été réalisés sur son compte bancaire personnel.

L'administration fiscale lui a donc demandé de présenter ses relevés de compte bancaire personnel. Maître S. a toutefois refusé de s’exécuter, en invoquant le secret professionnel et le secret bancaire.

Le parquet près le Tribunal de Faro a ouvert une enquête pour fraude fiscale.

Maître B. a été mise en examen et le juge d'instruction saisi a demandé à la Cour d'appel d'Évora d'autoriser la levée des secrets professionnel et bancaire. Il a rappelé que le secret professionnel n'était pas absolu et ne pouvait faire obstacle à l'administration de la justice et à la découverte de la vérité matérielle.

Par un arrêt du 12 janvier 2010, la Cour d'appel d'Évora a ordonné la levée du secret professionnel et du secret bancaire, considérant que l'intérêt public devait prévaloir sur l'intérêt privé.

Maître B. a alors formé un pourvoi en cassation contre ledit arrêt devant la Cour suprême, laquelle a déclaré le pourvoi irrecevable.

Par une ordonnance du 29 juillet 2011, le parquet près le Tribunal de Faro a classé la procédure pénale ouverte contre Maître B. pour fraude fiscale sans suite.

Maître B. a ensuite saisi la Cour européenne des droits de l’Homme de l’affaire.

 

Décision de la Cour européenne des droits de l’Homme

La Cour décide que l’accès aux comptes bancaires de Maître B. a constitué une ingérence dans son droit au respect du secret professionnel, qui fait partie du domaine de la vie privée. Cette ingérence était prévue par l'article 135 du Code de procédure pénale portugais, et poursuivait un but légitime, à savoir la prévention des infractions pénales au sens de l'article 8, § 2, de la Convention.

La Cour constate en l’espèce que la procédure visant la levée du secret professionnel s'est déroulée, certes, devant un organe judiciaire, mais sans que Maître B. ait pu y participer et présenter ses arguments.

La Cour relève ensuite que le droit portugais prévoyait la consultation de l'Ordre des avocats dans le cadre de la procédure visant la levée du secret professionnel. Or, en l'espèce, elle constate que l'Ordre des avocats n'a pas été sollicité.

La Cour estime par ailleurs que l'intervention d'un organisme indépendant, comme l’Ordre des avocats, était nécessaire, même s’il n’exerce qu’une compétence purement consultative, dans la mesure où les informations réclamées étaient couvertes par le secret professionnel.

Quant au contrôle juridictionnel effectif pour contester la mesure litigieuse, la Cour souligne que le pourvoi que Maître B. a formé devant la Cour suprême n'a pas fait l'objet d'un examen au fond, cette dernière ayant estimé que Maître B. ne disposait pas de la possibilité d’interjeter appel de cet arrêt. La Cour considère toutefois que le simple fait que le pouvoir de Maître B. ait été déclaré irrecevable par la Cour suprême ne remplit pas l'exigence d'un contrôle efficace posée par la Convention européenne des droits de l’Homme. Maître B. n'a donc disposé d'aucun recours pour attaquer l’arrêt litigieux.

Dans ces conditions, la Cour estime que les autorités portugaises n'ont pas ménagé, in casu, un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et les exigences de protection du droit de Maître B. au respect de sa vie privée.

Par conséquent, la Cour décide qu’il y a eu violation de l'article 8 de la Convention.

 

Bon à savoir

Le secret professionnel de l'avocat entre dans le champ de la protection accordée par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, lequel dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

La notion de vie privée est une notion interprétée largement par la Cour européenne des droits de l’homme : cette notion couvre notamment les activités professionnelles ou commerciales 2.

C’est à la lumière de cette notion que la Cour a considéré que l’accès aux comptes bancaires d’une avocate portugaise dans le cadre d’un contrôle fiscal, constitue une ingérence qui n’est pas nécessaire dans une société démocratique, en ce qu’elle empiète sur les secrets professionnel et bancaire 3.

Toute mesure attentatoire au secret professionnel doit, selon la Cour, être soumise à un contrôle juridictionnel efficace ou, à tout le moins, effectif 4.

Le secret professionnel de l’avocat n’est cependant pas absolu et peut céder devant une valeur supérieure, telle que l’obligation de déclaration de soupçon dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux 5.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. C.E.D.H., 1er décembre 2015, J.T., 2016/5, n° 6633, pp. 81-82.

2. C.E.D.H., 16 décembre 1992, Niemietz c. Allemagne, § 29 qui définit le droit au respect de la vie privée comme le droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables et qui considère qu’il n’y aucune raison d’en exclure les activités professionnelles. Voy. aussi : C.E.D.H., 20 décembre 2005, Wisse c. France, § 24.

3. F. KRENC, « Le secret professionnel et la « vie privée » de l'avocat », obs. sous C.E.D.H., 1er décembre 2015, J.T., 2016/5, p. 82.

4. Article 13 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

5. C.E.D.H.,  6 décembre 2012, Michaud c. France, J.L.M.B., 2013/01, p. 16.