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AVOCAT

Bon a savoir

5 Aout 2016

Le devoir de conseil de l'avocat face à une négligence commise par celui auquel il succède

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Présentation des faits 1

Monsieur C. a confié sa comptabilité à monsieur A. du temps où il exerçait son activité indépendante de coiffeur. Ayant fait l'objet de diverses impositions d'office dont il a imputé la responsabilité à Monsieur A. pour n'avoir pas tenu régulièrement sa comptabilité et avoir omis de déposer des déclarations d'impôt, Monsieur C. a, en 1980, consulté l'avocat Y.

Par la suite, Monsieur C. a reproché à l'avocat Y d'avoir omis de déposer sa déclaration fiscale, manquement que celui-ci a reconnu par lettre du 17 février 1981, s'engageant à supporter lui-même l'amende qui serait infligée.

Monsieur C. a alors introduit un recours contre la taxation d'office qui a résulté de l'omission précitée, d'abord devant le directeur des contributions et ensuite devant la cour. Il a ensuite déchargé l'avocat Y de sa défense en 1983.

En avril 1985, Monsieur C. a consulté l'avocat Z, pour lui demander de restituer son dossier fin 1992.

Statuant sur le recours fiscal que Monsieur C. avait introduit, la Cour d'appel a, par un arrêt du 15 novembre 1996, déclaré le recours recevable mais non fondé, au motif, d'une part, que la négligence de son mandataire de déposer la déclaration dans les délais n'est pas un cas de force majeure et, d'autre part, que Monsieur C. ne démontre pas que le barème appliqué par l'administration fiscale ne lui aurait pas été applicable ou aurait été appliqué de manière erronée.

Par acte du 29 mars 1994, monsieur C. a cité l'avocat Z en paiement de la somme provisionnelle de 161.627 francs, portée à 200.000 francs par voie de conclusions, et a demandé la désignation d'un expert-comptable afin de déterminer le préjudice causé à la suite des fautes commises par l'avocat.

A l'appui de sa demande, Monsieur C. faisait grief à l'avocat Z de ne pas avoir attiré son attention sur la possibilité d'intenter une action en responsabilité à l'encontre du comptable Monsieur A ; d'avoir laissé prescrire l'action en responsabilité à l'encontre de son précédent conseil, l'avocat Y, ou, à tout le moins, de ne pas avoir attiré son attention sur l'imminence de la prescription, et ; d'avoir manqué de diligence dans la défense de ses intérêts devant la Cour d'appel.

Par jugement du 15 octobre 1999, le Tribunal de première instance de Bruxelles a déclaré la demande recevable, mais non fondée.

Monsieur C. a alors interjeté appel de ce jugement, en réitérant sa demande originaire. 

 

Décision de la Cour d’appel de Bruxelles

La Cour d’appel de Bruxelles rappelle tout d’abord que l'avocat chargé de la défense des intérêts d'un justiciable a, à l'égard de celui-ci, un devoir général de conseil qu'il assume en toute indépendance, même vis-à-vis de la personne qui fait appel à lui.

Si l’avocat se voit chargé par son client d'assumer sa défense en justice dans le cadre d'une procédure en cours et de succéder à l'un de ses confrères, il ne peut exciper des limites de son mandat ad litem pour prétendre avoir été libéré de sa mission de conseil.

La Cour d’appel souligne également que tant la défense des intérêts du client confiée à l’avocat que la confiance dont ce dernier se voit à cette occasion investi, l'obligent à informer le client des droits dont il dispose et de la façon dont il peut les exercer utilement.

La Cour précise à cet égard que si l'avocat découvre, à l'examen du dossier de son client, que la négligence d'un tiers est à l'origine du procès dont la direction lui est confiée, il lui appartient d'informer spontanément celui-ci des recours qu'il peut exercer contre ce tiers et, en particulier, du délai de prescription de l'action.

En l’espèce, l'avocat Z, qui avait pris connaissance du contenu de l’avocat Y du 17 février 1987, avait le devoir d'informer Monsieur C de la possibilité d'agir en responsabilité contre son précédent conseil (l’avocat Y) et de la nécessité d'agir avant l'expiration du délai de prescription de cinq ans prévu à l'article 2276bis du code judiciaire. Or, il ne l’a pas fait. La faute reprochée à l’avocat Z parait donc manifeste, d’autant plus que l'accomplissement dudit devoir de conseil ne requérait aucune investigation particulière et rien ne permettait à l'avocat Z de penser que son client était déjà au courant de ses droits.

En ce qui concerne le manque de diligence de l'avocat Z au cours de la procédure fiscale menée devant la cour, la Cour d’appel de Bruxelles constate que Monsieur C n'apporte pas d'élément démontrant que si la déclaration fiscale avait été remise dans les délais, il aurait certainement été moins taxé. La faute de l'avocat Y n'a ainsi causé à Monsieur C. que la perte d'une chance de devoir payer des impôts moins élevés.

En revanche, il ne fait nul doute qu’à la suite du manquement de l'avocat Y, Monsieur C a été contraint de former un recours d'abord devant l'administration des contributions et ensuite devant la Cour, recours entraînant des démarches et des inquiétudes dommageables, susceptibles à elles seules de donner lieu à réparation.

La Cour d’appel rappelle que Monsieur C demandait originairement, à titre d'indemnité, une somme provisionnelle de 161.627 francs (4.006,63 euros), mais estime que le bien-fondé de ce montant ne ressort d'aucun élément de son dossier. Eu égard à ce qui précède, il parait judicieux, selon elle, de fixer en équité à 1.000 euros la réparation de la perte d'une chance causée par l'avocat Z à monsieur C.

Par conséquent, la Cour d’appel de Bruxelles déclare la demande originaire recevable, mais partiellement fondée, et, condamne Maître Z à verser à Monsieur. C la somme de 1000 euros, majorée des intérêts judiciaires.

 

Bon à savoir

L'avocat est tenu, à l'égard de son client, d’un devoir général de conseil 2. Celui-ci peut s'étendre aux actions qu'il est nécessaire d'introduire pour sauvegarder les intérêts du client 3.

Si l'avocat découvre, à l'examen du dossier de son client, que la négligence d'un tiers (tel l'avocat à qui il succède) est à l'origine du procès dont la direction lui est confiée, il lui appartient d’attirer l'attention de son client sur l'utilité d'une procédure en responsabilité contre son ancien conseil, ainsi que sur les délais stricts pour introduire une telle action 4.

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Bruxelles (9e ch.), 10 janvier 2003, J.L.M.B., 2005/7, p. 286.

2. J.-P. BUYLE, « L'étendue du devoir d'information et de conseil de l'avocat », J.L.M.B., 2003/38, pp. 1688-1690 ; P. HENRY, « Le devoir de conseil de l'avocat et de l'huissier de justice », in Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil, Bruxelles, Larcier, 2006, pp. 55 et s. ;  J.-P. BUYLE, obs. sous J.P. Liège 4 septembre 1998, J.L.M.B., 1999, p. 459.

3. F. GLANSDORFF, « L’obligation d’information de l’avocat et la charge de la preuve », in Droit de la responsabilité. Question approfondies, Bruxelles, Larcier, 2015, pp. 267 et s.

4. Trib. civil Huy (3e Ch.), 08 novembre 2001, J.L.M.B., 2003/38, pp. 1659-1665.