Toggle Menu
1 Avocat(s) expérimenté(s)
Près de chez vous
  • R Rédacteur
  • F Formation
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Tous nos articles scientifiques ont été lus
92 080 fois le mois dernier
8 890 articles lus en droit immobilier
18 916 articles lus en droit des affaires
11 103 articles lus en droit de la famille
22 515 articles lus en droit pénal
3 661 articles lus en droit du travail
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici

AVOCAT

Bon a savoir

16 Septembre 2016

Responsabilité professionnelle : le défaut de comparution à une audience

Cette page a été vue
1205
fois
dont
1
le mois dernier.

Présentation des faits 1

En date du 4 mars 1998, Monsieur L. a été entendu à deux reprises par des inspecteurs de police à Liège, dans le cadre d’un vol commis dans la nuit du 24 au 25 janvier 1998. Au cours de cette audition, il a déclaré qu’il travaillait depuis 3 ans au sein du club X, comme garçon, les samedis et dimanches de 4 heures jusqu’à la fermeture du club et qu’il percevait ente 20.000 et 25.000 francs belges par mois.

En date du 31 juillet 1998, Monsieur L. a toutefois déclaré qu’il travaillait depuis environ deux ans et demi au sein de l’établissement X, comme garçon les vendredis et samedis 4 heures par jour, de 4 heures du matin jusqu’à 8 heures et qu’il percevait 250 francs belges de l’heure, soit environ 8000 francs belges par mois. Il a précisé qu’à ce moment, l’établissement était exploité par Monsieur E., mais qu’à son avis c’est son épouse qui a ensuite repris l’exploitation du club début 1998.

Monsieur E. a ensuite été entendu le 11 août 1998. Il a déclaré qu’il avait radié son registre de commerce pour le club X au 1er décembre 1997 et que c’est son épouse, Madame M., qui avait repris l’activité depuis lors. Il a affirmé qu’en réalité c’est Madame M. qui s’était toujours occupée de gérer ce commerce, dans la mesure où il exerçait une autre activité (marchand de fruits et légumes).

Madame M. a été par la suite convoquée, mais n’a toutefois pas répondu aux convocations de l’inspecteur de police.

Après certaines vérifications effectuées par l’inspecteur, ce dernier conclut son rapport d’enquête de cette manière : « Sans autres informations communiquées par l’employeur Monsieur E., ni par son épouse Madame M., je propose dès lors de procéder à la régularisation d’office des prestations de Monsieur L. sur la base du procès-verbal d’audition recueilli, soit à partir du 1er juillet 1995, deux jours par semaine, huit heures par jour sur la base du barème de la C.P. 302 ».

L’ONSS a adressé un avis rectificatif de cotisations à Monsieur E., ainsi qu’un extrait de compte.

Par citation du 3 mars 2000, l’ONSS a assigné Monsieur E. en paiement devant le Tribunal de travail de Liège de 11.958 euros en capital à titre d’arriérés de cotisations sociales. Monsieur E. a alors confié la défense de ses intérêts à Maître X., qui a déposé des conclusions par lesquelles il contestait la qualité d’employeur de Monsieur E. qui servait de prête-nom à son épouse, Madame M., dans l’établissement X, ainsi que des conclusions additionnelles par lesquelles il a demandé que des enquêtes soient effectuées afin d’établir que son client n’était pas l’employeur.

Monsieur E. ne s’est pas présenté à l’audience de plaidoiries du 17 juin 2005 et n’a pas été représenté par Maître X. Le jugement du Tribunal de travail de Liège du 9 septembre 2005 a toutefois été prononcé contradictoirement à son encontre, conformément à l’article 804 du Code judiciaire. Par ce jugement, le tribunal a déclaré l’action de l’ONSS fondée et a condamné Monsieur E. au paiement de la somme de 11.958, 33 euros, à majorer des intérêts et dépens.

Monsieur E. a alors agit en responsabilité extracontractuelle contre Maître X, assurée par la SA Ethias.

Un jugement a été rendu le 1er mars 2013 par le Tribunal de première instance de Liège, lequel relevait :

« Pendant ces trimestres, il est établi au u des demandes d’immatriculation déposées que c’est bien Elio qui exploitait l’établissement X.

Le seul document signé par Madame M. a été signé le 28 mars 1998, date à laquelle a effectivement signé une demande d’immatriculation à l’ONSS.

La circonstance que la demande d’immatriculation mentionne une occupation de personnel à l’ONSS à partir du 1er décembre 2007 est irrelevante en l’espèce, s’agissant d’une déclaration unilatérale.

En outre, aucun document relatif à une quelconque radiation de Monsieur E. n’est produit aux débats. Dès lors, Monsieur E. doit être considéré comme ayant été immatriculé à tout le moins jusqu’au 28 mars 1998, date à laquelle Madame M. a repris l’immatriculation. Il s’ensuit que c’est à bon droit que l’ONSS poursuit la condamnation de Monsieur E. au paiement des cotisations reprises en termes de citation.

Pour le surplus, la partie défenderesse ne fournit aucun élément de nature à contester l’assiette de cotisation ».

Monsieur E. a alors interjeté appel dudit jugement.

Monsieur E. recherche la responsabilité extracontractuelle de Maître X assuré auprès de la SA Ethias, laquelle ne conteste pas que Maître X a commis une faute professionnelle en ne comparaissant pas à l’audience du Tribunal du travail de Liège du 17 juin 2005 pour y représenter son client. La SA Ethias considère toutefois que Monsieur E. ne rapporte pas la preuve d’un lien causal entre cette faute et le dommage allégué, seule une perte de chance pouvant être réclamée par Monsieur E.

Selon Ethias, ses chances d’obtenir sa mise hors cause étaient quasi inexistantes dans les circonstances concrètes de la cause, de sorte qu’il doit être débouté de son action.          

Monsieur E. fait valoir que l’inspecteur de police avait admis le principe de régularisation de Monsieur L. non pas sur la base de prestations à temps plein, mais de prestations fixées à 16 heures par semaine, que cette décision de régularisation émanait d’un organe de l’ONSS, de sorte que l’ONSSS ne pouvait plus invoquer l’article 171 de la loi-programme du 22 novembre 1989.

Selon Monsieur E., cet argument n’a pas été invoqué par son conseil dans ses conclusions et n’a pas été développé à l’audience des plaidoiries, ce qui a débouché à sa condamnation à l’intégralité des cotisations réclamées par l’ONSS.         

Monsieur E. soutient toutefois qu’en n’étant pas défendu ni représenté par son conseil, il a été empêché d’obtenir une réduction de la régularisation des cotisations d’ONSS de l’ordre de 7.197 EUR, montant dont il postule le paiement à charge de Monsieur E. à titre de perte de chance.      

                                                                                                                                                                                

Décision de la Cour d’appel de Liège

La Cour d’appel de Liège rappelle tout d’abord, sur le fondement de la théorie de la perte d’une chance, que la victime qui ne parvient pas à établir un lien causal certain entre la faute et le dommage réellement subi, conserve la possibilité de démontrer que cette faute a entraîné de façon certaine au moins la perte d’une chance d’obtenir un avantage espéré ou d’éviter un dommage définitivement réalisé.

La Cour d’appel définit ensuite la perte de chance comme étant un préjudice spécifique distinct du préjudice réellement subi. Elle précise qu’il appartient à la victime d’en démontrer l’existence et que cette preuve ne peut résulter de simples conjectures ou d’un simple espoir non autrement établi. La victime doit démontrer que la faute qu’elle invoque lui a fait perdre des chances réelles et sérieuses d’obtenir un gain ou d’éviter un dommage 2.

La Cour se demande en l’espèce si la faute commise par Maître X, consistant à ne pas avoir représenté son client à l’audience de plaidoirie du Tribunal de travail de Liège, a fait perdre à Monsieur E. des chances réelles et sérieuses d’obtenir le gain espéré, à savoir la réduction des cotisations sociales qui lui étaient réclamées dans le cadre de la régularisation concernant Monsieur L.

Il résulte des termes mêmes du jugement rendu le 9 septembre 2005 que le Tribunal du travail a analysé la thèse défendue par Monsieur E. dans ses conclusions et qu’il l’a rejetée sur la base d’une motivation claire et étayée par les pièces du dossier.

La Cour estime peu plausible la thèse de Monsieur E. selon laquelle la décision du tribunal aurait été différente si Maître X avait plaidé la cause de Monsieur E., étant donné que le tribunal s’est essentiellement fondé, pour asseoir sa décision, sur les éléments objectifs du dossier.

C’est sur la base d’une apostille de l’auditorat du travail de Liège du 14 mai 1998 que l’ONSS a procédé à une enquête et que l’inspecteur F. a déposé un rapport, aux termes duquel il propose de régulariser sur la base de la déclaration de Luc, à défaut d’autres informations.

La Cour d’appel relève toutefois que des contradictions entachent les déclarations de Monsieur L. faites à l’inspecteur de police. Selon elle, l’ONSS pouvait dès lors parfaitement considérer, sur la base de l’article 171 de la loi-programme du 22 novembre 1989, qu’à défaut d’inscription dans les documents requis ou de publicité de l’horaire de Monsieur L, ce travailleur devait être présumé avoir effectué ses prestations à temps plein, et adresser à l’employeur un avis rectificatif de cotisations sur cette base.

La Cour rappelle en outre que la présomption de l’article 171 est réfragable et que l’employeur peut apporter la preuve contraire.

Il suit de ces considérations que Monsieur E. reste en défaut de rapporter la preuve que la faute professionnelle commise par Maître X lui a fait perdre des chances réelles et sérieuses d’obtenir le gain espéré, à savoir la réduction des cotisations sociales de régularisation réclamées par l’ONSS. Au contraire, les circonstances concrètes de l’espèce permettent de considérer que les chances de Monsieur E. d’obtenir le débouté de l’ONSS étaient quasi inexistantes.

Par conséquent, la Cour d’appel de liège déclare l’appel recevable, mais non fondé.

 

Bon à savoir

L’avocat commet une faute professionnelle en ne comparaissant pas à une audience pour y représenter son client 3.

Bien que l’avocat ait commis une faute, l’action en responsabilité intentée contre lui peut être déclarée non fondée, si le client n’apporte pas la preuve d’un lien de causalité entre la faute et son dommage 4.           

Toutefois, le client qui ne parvient pas à établir une causalité certaine entre la faute commise par son conseil et le dommage réellement subi, conserve la possibilité de démontrer que cette faute a entrainé de manière certaine 5 au moins la perte d’une chance d’obtenir un avantage espéré ou d’éviter un dommage définitivement réalisé.                

__________________

1. Cour d’appel de Liège (20ème Ch.), 5 septembre 2014, J.L.M.B., 2015/31, p. 1456.

2. Cass., 5 juin 2008, Bull. ass., 2008, p. 418 ; B. DUBUISSON « Jurisprudence récente de la Cour de cassation sur la relation causale », in « La responsabilités civile : dernières évolutions et perspectives. Le premier colloque du J.T. », J.T., 2010, pp. 749-750 et les références citées.

3. Cour d’appel de Liège (20ème Ch.), 5 septembre 2014, J.L.M.B., 2015/31, p. 1456.

4. C. MELOTTE, La responsabilité professionnelle des avocats, in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Dossier 28bis, Waterloo, Kluwer, 2005, p. 43.

5. Liège, 20 oct. 1989, J.L.M.B., 1990, p. 86 ; Civ. Bruxelles, 14 avril 2000, J.L.M.B., 2001, p. 426.

23 juin 1998, R.G.D.C., 1999, p. 351. Liège, 30 oct. 2001, J.L.M.B., 2003, liv. 8, p. 334.