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AVOCAT

Bon a savoir

19 Aout 2016

Incidence de la censure d'une disposition par la Cour constitutionnelle sur la responsabilité de l'avocat

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Présentation des faits 1

Dans la nuit du 20 au 21 octobre 1984, Madame A fut tuée par son époux, Monsieur J.

Maître Y a été consultée en sa qualité d'avocate par la mère de la défunte, Madame C, afin d'assurer la défense de ses intérêts ainsi que ceux des enfants mineurs de la défunte, dans le cadre de la procédure pénale.

En août 1985, Monsieur J. fut libéré par la Chambre des mises en accusation. Il fut ensuite renvoyé devant la Cour d'assises. Les débats ont commencé le 2 décembre 1991, date à laquelle Maître Y a déposé des conclusions contenant une constitution de partie civile pour ses clients.

Par arrêt du 6 décembre 1991 de la Cour d'assises, Monsieur J. a été reconnu coupable d’homicide volontaire sur la personne de Madame A. La peine fut fixée à cinq ans d'emprisonnement. Toutefois, s'agissant d'une peine correctionnelle et les faits ayant été commis dans la nuit du 20 au 21 octobre 1984, la Cour n’a pas eu d’autre choix que de constater l'extinction de l'action publique par prescription.

Maître Y a ensuite été déchargée de sa mission par ses clients, ceux-ci étant représentés par un autre avocat lorsque la Cour d'assises a débattu des intérêts civils.

Par arrêt du 31 janvier 1992, la Cour d'assises a déclaré l'action civile prescrite et, en conséquence, les demandes de Madame C et des enfants de la défunte non recevables.

Ces derniers ont ensuite cité en responsabilité Maître Y devant le Tribunal de première instance de Bruxelles, lui reprochant de ne pas avoir introduit d'action civile en temps utile. L’Etat belge et J.V. ont tous deux été cités en intervention et garantie, l’un par Maître Y et l’autre par les anciens clients de Maître Y.

Madame C, mère de la défunte, est toutefois décédée le 16 janvier 1997 et l'instance fut reprise le 3 février 1998 par un curateur à succession vacante.

Par jugement du 24 février 1998, le Tribunal civil de Bruxelles a déclaré fondée la demande dirigée contre Maître Y, mais non celles dirigées contre l’Etat belge.

Maître Y a alors interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 7 décembre 2000, la Cour d'appel de Bruxelles a réformé le jugement en ce qui concerne le montant des indemnités allouées aux anciens clients de Maître Y.

Mécontente de la décision, Maître Y a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt par requête du 30 mai 2002, en faisant notamment valoir que l'un des membres du siège était antérieurement intervenu, en qualité de juge d'instruction, dans l'instruction du dossier répressif.  

Par arrêt du 19 décembre 2002 de la Cour de cassation, l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles a été cassé et la cause a été renvoyée devant la Cour d’appel de Mons.  Monsieur J. est décédé en cours d'instance.

 

Décision de la Cour d’appel de Mons

La Cour d’appel de Mons rappelle tout d’abord qu’un avocat normalement prudent et diligent se doit de respecter les dispositions légales telles qu’elles sont en vigueur au moment où il agit ou s’abstient d’agir. Celui-ci ne peut spéculer sur une éventuelle future déclaration d’inconstitutionnalité et doit par conséquent suivre la disposition légale.

La Cour d’appel précise ensuite que l'article 26 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle, sur la base duquel la prescription était acquise en l’espèce, fut déclaré inconstitutionnel par un arrêt du 21 mars 1995 de la Cour d'arbitrage.

La Cour précise toutefois qu’avant l'arrêt précité de la Cour d'arbitrage, l'article 26 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle était appliqué très fréquemment par les diverses juridictions, de sorte qu'aucun avocat normalement prudent et diligent n'aurait cru pouvoir se dispenser de respecter cette disposition.

En l’espèce, l’avocat avait négligé d’acter la constitution de partie civile de ses clients dans le délai de cinq ans depuis la commission des faits conformément à l’article 26 Titre préliminaire C.I.cr. en vigueur à l’époque. Or, la déclaration d’inconstitutionnalité  de l’article 26 Titre préliminaire C.I.cr., par arrêt du 21 mars 1995 de la Cour d’arbitrage, ne supprime pas rétroactivement cette négligence fautive, la validité d’un acte et son efficacité devant être appréciées au moment où il est accompli.

Par ailleurs, il ne peut être fait grief à une juridiction d’avoir appliqué une règle légale ultérieurement déclarée inconstitutionnelle.

Par conséquent, la Cour d’appel retient la responsabilité de Maître Y, en ce qu’elle ne s’est pas conduite comme l’aurait fait un avocat normalement prudent et diligent et dans la mesure où elle a fait montre d’une négligence fautive.

 

Bon à savoir

L’avocat a l’obligation de respecter les textes de la loi en vigueur, sous peine d’engager sa responsabilité.

La responsabilité de l’avocat 2 doit s’analyser au moment où il accomplit ses actes ou, comme dans le cas d’espèce, lorsqu’il s’abstient de les poser 3A contrario, il ne convient pas de se placer au moment de la procédure pour apprécier si l’avocat a agi avec la prudence et la diligence normalement requise 4.

Or, au moment où le conseil devait déposer la note de constitution de partie civile, il n’était pas question d’une quelconque inconstitutionnalité de la loi. Par conséquent, il était tenu de se conformer au prescrit de la disposition légale, même si celui-ci a, par la suite, été déclaré inconstitutionnel par la Cour d’arbitrage (l’actuelle Cour constitutionnelle).

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________ 

1. Mons (2e ch.), 27 février 2007, J.T., 2009/12

2. X., La responsabilité des avocats, Edition du Jeune Barreau de Bruxelles, Bruxelles, 1992, 171 p.

3. C. MELOTTE, « La responsabilité professionnelle des avocats », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Dossier 28bis, Waterloo, Kluwer, 2005, p. 30.

4. Bruxelles, 16 mai 2002, J.L.M.B., 2003, liv. 38, p. 1673.