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AVOCAT

Bon a savoir

27 Novembre 2015

Le sort des fausses conclusions additionnelles

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Présentation des faits 1

À l'issue de la procédure d'expertise, le tribunal a fixé, par ordonnance du 16 avril 2013, un calendrier contraignant d'échange de conclusions sur la base de l'article 747, § 2, du Code judiciaire.

La partie demanderesse, qui ne devait conclure, en vertu de ce calendrier, au plus tard que pour le 17 mars 2014, a pris l'initiative de déposer et de communiquer aux deux parties défenderesses ses conclusions principales après expertise, dès le 21 mai 2013.

La seconde partie défenderesse, à savoir la Société anonyme I., qui n'avait pas estimé nécessaire de participer à l'expertise, devait, en vertu du calendrier fixé par le tribunal, conclure à titre principal pour au plus tard le 16 décembre 2013. Elle disposait encore d'un délai pour ses conclusions additionnelles fixées au 27 juin 2014 et pour d'éventuelles conclusions de synthèse au 17 novembre 2014.

La Société anonyme I. a déposé ses premières conclusions après expertise, le 18 mars 2014, soit plus de trois mois après l'échéance fixée par l'ordonnance de mise en état. La Société anonyme I. ne conteste cependant pas que ses « conclusions premières » aient été déposées et communiquées hors délai.

La partie demanderesse a, par courrier de son conseil adressé au tribunal le 1er avril 2014, sollicité que ces conclusions soient d'office écartées des débats, en application de l'article 747, § 2, du Code judiciaire.

La partie demanderesse n'a pas pris de nouvelles conclusions.

La Société anonyme I. a encore déposé au greffe et communiqué aux autres parties des « conclusions additionnelles » le 26 juin 2014, soit un jour avant l'échéance fixée par le tribunal pour ses conclusions « en réplique ».

À l'audience du 20 janvier 2015, la partie demanderesse a sollicité, par la voie de son conseil, l'écartement d'office de ces « conclusions additionnelles ».

 

Décision du Tribunal civil de Namur

Le Tribunal civil de Namur a tout d’abord égard aux termes précis de l'ordonnance de mise en état du 16 avril 2013. C'est en effet au tribunal qu'il appartient, en application de l'article 747, § 2, de fixer les modalités précises, dans lesquelles la cause devra être mise en état, les parties ayant renoncé à poursuivre tant une mise en état consensuelle, sans délai contraignant, qu'une mise en état judiciaire amiable, où le tribunal se contente d'acter les délais convenus par les parties.

Le tribunal rappelle ensuite que la mise en état des causes civiles doit se faire, dans le respect du contradictoire, en suivant un ordre bien déterminé de développement des arguments des parties qui consiste à présenter pour les parties, dans un premier temps, leur argumentation principale et, ensuite, à répondre respectivement aux arguments développés par l'autre partie.

Le tribunal précise que, pour pouvoir prendre des conclusions « additionnelles », il s'impose d'avoir au préalable valablement conclu à titre principal, à défaut de ne rien pouvoir ajouter, ce qui est le propre de l'additionnel. Le processus de mise en état ne doit pas, en outre, avoir été interrompu par une partie. Les conclusions « en réplique » doivent en effet permettre à une partie de répondre aux conclusions de la partie adverse.

Dès lors que la partie demanderesse a pris l'initiative de conclure en premier, il appartenait à la Société anonyme I. de prendre ses conclusions principales, développant ses propres arguments principaux et répondant si nécessaire aux arguments de la partie demanderesse, avant l'expiration du premier délai qui lui était imparti pour conclure à titre principal.

Le Tribunal civil observe qu’en l’espèce, ces conclusions principales ont bien été prises par la Société anonyme I., mais déposées et communiquées hors délai (le 18 mars 2014). Elles ont donc été écartées d'office. La partie demanderesse, à la suite de ce dépôt tardif, a estimé pour sa part qu'elle n'avait plus à conclure, ce qui est son droit. Elle a ainsi définitivement mis un terme au processus de mise en état.

Le tribunal estime que, dans ces circonstances, les délais fixés par l'ordonnance de mise en état pour les dépôts de conclusions « en réplique » ou « en dernière réplique » ne se justifiaient plus, dès lors qu'il n'y avait rien à répliquer puisque le demandeur n'avait lui-même plus pris de nouvelles conclusions.

Il ajoute que ne pas écarter, dans ces conditions, les conclusions dites « additionnelles » de la Société anonyme I., mais qui sont principales, porterait nécessairement atteinte aux droits de la défense des autres parties. En effet, chaque justiciable a le droit de voir sa cause être mise en état dans un ordre logique et cohérent et de voir sa légitime confiance respectée, dans le respect des ordonnances de mise en état. II est enfin dans l'intérêt de toutes les parties et du tribunal, et dans le respect des droits de la défense des parties, que l'échange des arguments et des moyens se fasse dans le respect d'un suivi chronologique qui a été prévu en vue de favoriser l'échange cohérent et contradictoire d'arguments.

Par conséquent, le Tribunal civil de Namur considère qu’il y a lieu d'écarter d'office des débats ces conclusions principales (qualifiées à tort de « conclusions additionnelles ») de la Société anonyme I., déposées au greffe le 26 juin 2014, dans la mesure où le délai pour le dépôt de telles conclusions est largement dépassé à cette date.

 

Bon à savoir

Pour pouvoir prendre des conclusions additionnelles, il s'impose d'avoir au préalable valablement conclu à titre principal et que le processus de mise en état n'ait pas été interrompu.

Dans le terme impropre de « conclusions additionnelles », il y a l’idée d’ajouter quelque chose à son argumentation première 2. Or, on ne peut additionner que si précisément cette argumentation première existe 3.

Par conséquent, les conclusions additionnelles d'une partie, qui ont été déposées dans le délai mais qui sont quasiment identiques aux conclusions principales déposées hors délai, ne sont pas de véritables conclusions additionnelles 4, mais sont en réalité des conclusions principales qui doivent être écartées des débats compte tenu de leur tardiveté et de la nécessité de ne pas porter atteinte aux droits de la défense des autres parties.

 

Ndlr: La présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque

_________________

1. Civ. Namur (7ème Ch.), 3 mars 2015, J.T., 2015/25, n°6611, pp. 553-554.

2. G. DE LEVAL et A. FRY, « Les conclusions qualificatives et récapitulatives », in Le droit judiciaire en mutation. En hommage à Alphonse KOHL, Liège, Anthemis, 2007, p. 150.

3. J. ENGLEBERT, « La mise en état », in Actualités et développements récents en droit judiciaire, Volume 70, Bruxelles, Larcier, 2004, p. 136.

4. Voy. notamment J.-F VAN DROOGHENBROECK et H. BOULARBAH, « La Cour de cassation et les fausses conclusions additionnelles », J.T., 2001/23, n° 6016, pp. 513-516 ; D. MOUGENOT, Principes de droit judiciaire privé, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 221.