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AVOCAT

Bon a savoir

15 Avril 2016

La liberté d'expression des avocats

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Présentation des faits 1

La requérante est une avocate française ayant introduit, pour le compte de ses clients, une plainte avec constitution de partie civile pour homicide involontaire de leur enfant de douze ans décédé des suites d'une aplasie médullaire survenue après une vaccination contre l'hépatite B.

Une information judiciaire fut ouverte. Dans le cadre de l'enquête, un rapport d'expertise fut remis au juge d'instruction par un médecin spécialiste.

La requérante fut, par la suite, contactée par les journalistes. Des extraits du rapport d'expertise avaient été divulgués à la presse et la requérante fut invitée à répondre à certaines questions relatives à ce rapport qu'elle commenta avec virulence.

Un laboratoire pharmaceutique porta alors plainte contre la requérante pour violation du secret de l'instruction et violation du secret professionnel. Elle fut déclarée coupable de ces infractions par le tribunal correctionnel en raison des révélations à la presse d'informations contenues dans le rapport d'expertise et couvertes par le secret de l'instruction. 

La Cour d'appel confirma le jugement sous motif que les dispositions légales en cause ne contreviennent pas au principe de la liberté d'expression et qu'elles sont nécessaires à la préservation d'intérêts publics et privés, à savoir, notamment le bon fonctionnement de la justice et la confiance du public. La Cour de cassation française rejeta le pourvoi interjeté par la requérante contre le jugement de la Cour d'appel.

 

Décision de la Cour européenne des droits de l'homme

La requérante estime que les juridictions internes ont porté atteinte à son droit au respect de sa liberté d'expression en la condamnant pénalement pour violation du secret professionnel.

La Cour rappelle, tout d'abord, le statut spécifique des avocats qui leur fait occuper une position centrale dans l'administration de la justice. 2 En effet, ils jouent un rôle clé pour assurer la confiance du public dans l'action des tribunaux.

La liberté d'expression vaut, par conséquent, aussi pour eux, ce qui implique qu'ils se voient reconnaître le droit de se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice. Ainsi, une ingérence dans la liberté d'expression des avocats ne peut qu'exceptionnellement passer pour « nécessaire dans une société démocratique ».

La Cour constate, ensuite, que la condamnation pénale de la requérante constitue bel et bien une ingérence dans l'exercice de son droit au respect de sa liberté d'expression. Elle constate, toutefois, que cette ingérence est prévue par la loi et poursuit le but légitime d'une protection particulière du secret de l'instruction.

Quant à savoir si l'ingérence peut être considérée comme proportionnée au but légitime poursuivi, la Cour estime que la condamnation pénale apparaît comme disproportionnée par rapport au but légitime et que les motifs invoqués par les juridictions nationales ne correspondent pas à un besoin social impérieux.

En effet, elle constate que la requérante s'est bornée à commenter des documents déjà en possession de la presse et que ces déclarations s'inscrivaient dans le cadre d'un débat d'intérêt général de santé publique. Les restrictions à la liberté d'expression sont, dans ce cas, extrêmement limitées.

La Cour estime que, dans les circonstances de l'espèce, la défense de ses clients pouvait se poursuivre hors du prétoire, dans la mesure où l'affaire suscitait l'intérêt des médias et du public. Ces déclarations personnelles ne pouvaient, en outre, être considérées comme troublant le bon fonctionnement de la justice. La condamnation pénale n'apparaît dès lors pas comme justifiée au regard du motif de protection d'informations confidentielles.

 

Bon à savoir 

Un avocat se trouve fréquemment amené à communiquer avec les médias. Lorsqu'il s'exprime de la sorte, hors du prétoire, sa liberté d'expression se voit restreinte par le secret de l'instruction et le secret professionnel. 3

Toutefois, en vertu de son droit au respect de sa liberté d'expression, l'avocat se voit reconnaître le droit de se prononcer publiquement sur le fonctionnement de la justice, sans excéder certaines limites. Une ingérence dans cette liberté d'expression ne pourra alors être justifiée qu'exceptionnellement. 4

Le droit au respect de la liberté d'expression d'un avocat lui garantit le droit de commenter dans la presse des éléments relatifs à une affaire en cours lorsqu'il ne fait qu'exercer les droits de la défense de son client et contribuer à un débat d'intérêt général, même s'il est amené à révéler des informations confidentielles.

Le périmètre de la défense se voit donc élargi. La défense de ses clients par un avocat doit pouvoir se poursuivre hors de l'enceinte du tribunal dès lors que le débat en cause devant les instances judiciaires est susceptible d'intéresser le public en général. 5

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_________________

1. Cour eur. D.H., 15 décembre 2011, J.L.M.B., 2012/2, p. 64-73.

2. Cour eur. D.H., 20 mai 1998, www.echr.coe.int.

3. Voy Ph. Hallet, « Le secret professionnel de l'avocat en Belgique », in Le secret professionnel de l'avocat dans la jurisprudence européenne, Larcier, 2010, p. 75 ; Civ. Liège, 15 septembre 1998, Journ. proc., 1998, liv. 355, p. 28.

4. Cour eur. D.H., 15 septembre 2011 (Mor c. France), J.L.M.B., 2012, liv. 2, p. 64.

5. J. Henry, « Secret professionnel, liberté d'expression et périmètre de la profession », J.L.M.B., 2012/2, pp. 73-79.