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AGENT IMMOBILIER

Bon a savoir

8 Juin 2015

L'obligation de vérifier le caractère constructible du terrain

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Présentation des faits 1

L'agence immobilière sprl Bureau C. avait été contactée par les époux C-L et avait reçu mandat de vendre deux terrains. Le prix à proposer était de 1.000.000 de francs belges pour le premier et de 900.000 francs belges pour l'autre.

Le contrat de mandat indiquait également que si le Bureau C. trouvait acquéreur à un prix supérieur au montant prévu, mandat lui était donné de traiter avec ce candidat acquéreur ; la différence entre le prix de vente et le prix convenu étant acquise au bureau C. à titre de commission.

Le 21 juin 1993, les époux F. ont signé un acte intitulé « convention de vente entre d'une part, Monsieur et Madame C-L qui déclarent être propriétaires exclusifs du terrain qu'ils mettent en vente et d'autre part, entre les époux F ».

En fin d'acte, étaient inscrits les termes suivants : «  Fait et signé en 5 exemplaires, le 21 juin 1993 chacune des parties se reconnaissant en possession d'un exemplaire des présentes ». Les époux F ont apposé leur signature sous la mention « les Acquéreurs » tandis que sous la mention « les Vendeurs «  se trouve une signature précédée de la mention suivante écrite à la main: «  Pour les vendeurs, Bureau C. SPRL ».

Par la suite, les époux F. ont adressé à l'agence immobilière, en date du 19 octobre 1993, une lettre dans laquelle ils indiquent qu'ils rétractent leur offre d'achat après s'être renseignés au service d'Urbanisme de la Ville de Namur qui leur a indiqué que bien que les parcelles soient reprises en zone d'habitat, elles ne pouvaient, vu leur situation, être actuellement considérées comme terrain à bâtir.

Les époux C-L et l'agent immobilier ont cependant refusé la rétractation de l'offre au motif que le contrat conclu le 21 juin 1993 constituait une vente parfaite.

 

Décision de la Cour d'appel de Liège

La Cour rappelle que la seule mention dans le contrat conclu entre l'agence immobilière et les époux C-L que ces derniers donnent «  mandat de vendre » n'implique pas que la sprl Bureau C., disposait du pouvoir de donner le consentement à la vente en lieu et place de ses mandants, en apposant sa signature sur la convention de vente à la place de ceux-ci.

Par ailleurs, aucune autre mention contenue dans le contrat de mandat, ni aucun élément ne permet de considérer que la volonté des mandants était de donner mission à leur mandataire de donner à leur place le consentement à la vente et donc de signer la convention de vente.

Au contraire, si telle avait été leur volonté, il ne fait aucun doute que la sprl Bureau C., en tant que professionnel de l'immobilier, aurait immédiatement signé la « convention de vente » et remis un exemplaire en original, signé ainsi par toutes les parties, aux époux F., en respectant de la sorte l'article 1325 du Code civil lequel impose, à tout le moins, que chaque partie détienne l'exemplaire de la convention synallagmatique revêtu de la signature des autre parties 2. Or, en l'espèce, les époux F. disposent d'un original ne contenant que leurs signatures. De même, la convention aurait dû être rédigée de façon telle qu'il apparaissait que la sprl Bureau C. était mandatée pour exprimer le consentement à la vente en lieu et place de ses mandants.

Il s'en déduit que l'acte intitulé « convention de vente » correspond en réalité à une offre d'achat formulée par les époux F., soit un acte juridique unilatéral. A cet égard, il n'est démontré que les époux C-L aient eu connaissance de cette offre avant la date de sa rétractation par les époux F. auquel cas l'offre n'aurait plus été rétractable, ni a fortiori qu'ils aient ratifié ne fût-ce que tacitement mais certainement, avant cette même date, l'acte accompli par la sprl Bureau C., en dehors des limites du mandat, auquel cas il y aurait eu accord de volonté dans leur chef avec effet rétroactif au jour de la signature par leur mandataire.

Au contraire, il ressort d'un courrier qu'ils ont adressé le 25 octobre 1993 à la sprl Bureau C. qu'ils n'étaient pas au courant de l'existence de l'acte du 21 juin 1993 puisque dans cette lettre ils demandent à leur mandataire de leur transmettre les noms des personnes qui se seraient intéressées à leurs terrains.

La Cour estime donc que non seulement les époux F. ont rétracté valablement leur offre, mais en outre, que s'ils ont rétracté leur offre, c'est parce que le terrain présenté à la vente comme « à bâtir » ne l'était en réalité pas.

Or, selon la Cour, la qualité de constructibilité du terrain est une qualité substantielle du terrain, de sorte que sans cette qualité du terrain, les époux F. ne se seraient surement pas engagés comme ils l'ont fait.

Par ailleurs, elle constate que la « convention de vente » litigieuse décrit le bien comme « Terrain à bâtir ». Or, cette expression implique que le terrain doit être repris en zone d'habitat au plan de secteur, mais également qu'il doit concrètement, être constructible, ce qui n'était pas le cas en l'espèce.

La Cour estime dès lors que l'agence immobilière a commis une faute puisqu'elle ne s'est pas comportée comme tout agent immobilier normalement compétent et prudent l'aurait fait. En effet, si l'agence immobilière avait sollicité le certificat d'urbanisme prévu par l'article150 du CWATUP, elle aurait pu informer les époux F. de la situation réelle des lieux.

Par ailleurs, la Cour estime que les époux C-L qui ont décidé de faire appel à une agence immobilière pour vendre leur terrain sont tenus par la faute commise par leur mandataire dans le cadre de l'exécution de son mandat.

Par contre, aucune faute ne peut être reprochée aux époux F. qui, mis en présence d'un professionnel de l'immobilier, ont légitimement cru que le terrain, qualifié de « à bâtir » dans l'acte et annoncé comme «  magnifique terrain à bâtir » dans la publicité, était bien constructible. Il n'est, par ailleurs, nullement démontré que le prix d'achat était tellement bon marché qu'ils auraient dû se rendre compte que le terrain n'était en réalité pas constructible.

La Cour condamne donc in solidum la sprl Bureau C et le couple C-L à réparer les dommages subis par les époux F.

 

Bon à savoir

L'agent immobilier, en sa qualité de professionnel de l'immobilier est, en principe, tenu de recueillir l'ensemble des renseignements concernant le bien qu'il est chargé de vendre, afin de donner aux potentiels acquéreurs une information correcte et la plus complète possible sur les caractéristiques, tant techniques (limites de la propriété, vices…) que juridiques (indivisions, baux, hypothèques…) du bien 3.

A cet égard, la situation urbanistique d'un terrain justifie une attention toute particulière de la part de l'agent immobilier.

Celui-ci ne peut dès lors pas se contenter de vérifier simplement si le terrain est bien repris en zone à bâtir, ni d'obtenir l'extrait cadastral et la liste des propriétaires mais il doit prendre tous les renseignements relatifs à la situation urbanistique du bien et en informer les candidats acquéreurs 4. A cet égard, il est attendu de l'agent immobilier qu'il effectue des démarches actives et s'informe à ce propos auprès de l'administration communale 5.

En outre, il est indispensable qu'il visite les lieux en personne, afin de s'enquérir de leur conformité concrète aux prescrits urbanistiques.

Il en résulte que, si on ne peut exiger de l'agent immobilier qu'il ait une connaissance infaillible de toutes les normes qui concernent ses activités au point de faire peser sur lui une obligation de résultat, sa qualité de professionnel dans le domaine de l'immobilier lui impose certaines connaissances. Ainsi, il doit pouvoir constater un défaut de conformité aux règles urbanistiques ou, au moins, procéder aux vérifications quant à cette conformité 6.

_____________________________

1. Liège, 2 juin 2003, R.G. n° 1999/RG/95, www.juridat.be.

2. Cass., 17 juin 1981, Pas., p. 1192.

3. B. Vincotte, « L'agent immobilier », in Guide de droit immobilier , Kluwer, Waterloo, 2011, p. IV.7.-6-6.

4. B. Louveaux, La responsabilité professionnelle des agents, CUP, Nov. 2001, p. 267.

5. M. WAHL, « La responsabilité professionnelle de l'agent immobilier », in Traité théorique et pratique, Tit. II, Liv. 27.1, Kluwer, p. 47.

6. Civ. Bruxelles, 16 janvier 2009, J.L.M.B., 2010/28, p. 1331.