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DROIT IMMOBILIER

BAIL

6 Novembre 2015

Cour de cassation - Articles 1709 et 1728 du Code civil

Cour de cassation - Articles 1709 et 1728 du Code civil

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Présentation des faits1

Madame N., bailleur, a conclu un contrat de bail avec Monsieur G., le preneur.

Madame N. a introduit une action en justice tendant au paiement des arriérés de loyers ainsi que la résiliation du bail qu’elle avait conclu avec Monsieur G.

Monsieur G. considère que l’acte authentique qu’il a signé le 23 juillet 1979 ne constitue pas un bail et que le loyer prévu dans ce contrat est par ailleurs abusif. C’est pourquoi il affirme que le contrat en question et la mention d’un loyer dans ce dernier n’ont été réalisés que pour des raisons fiscales, et que le contrat est dès lors simulé.

Le Tribunal de première instance de Namur, statuant en degré d’appel, a rendu son jugement le 07 décembre 1998. Les juges ont rejeté la demande de Madame N. et considéré que Monsieur G. ne devait pas lui payer de loyers.

Les premiers juges ont d’abord constaté que Monsieur G. n’avait pas apporté la preuve de l’existence d’une contre-lettre, alors qu’il s’agit d’une condition essentielle pour qu’il y ait simulation. Monsieur G. a toutefois apporté plusieurs éléments de preuve, et notamment la copie d’un acte de prêt constituant un commencement de preuve par écrit. Cet acte de prêt permet aux juges de supposer que les parties avaient en réalité l’intention d’acheter l’immeuble ensemble. Monsieur G. avait également contracté une assurance-vie dont le bénéficiaire était Madame N., dont le but était de garantir le remboursement de l’emprunt. De plus, aucun loyer n’a été réclamé pendant plus de 14 ans.

De tous ces éléments, les premiers juges ont déduit que le contrat a fait l’objet d’un déguisement partiel puisque le loyer était fictif. En conséquence, Monsieur G. n’était redevable d’aucun loyer à Madame N. Il ne peut dès lors lui être reproché aucune faute, et la résiliation du bail ne peut par conséquent pas être prononcée à ses torts.

Madame N. a introduit un pourvoi en cassation et invoque la violation des articles 6, 1108, 1109, 1131, 1133, 1134, 1156, 1165, 1184, 1319, 1320, 1321, 1709 et 1728 du Code civil. Elle considère que les premiers juges ne pouvaient pas laisser subsister la convention étant donné que, conformément aux articles 1709 et 1728 du Code civil, le loyer est un élément essentiel du contrat de louage de choses et qu’il ne peut dès lors pas il y avoir de bail sans loyer. Madame N. invoque également le fait que lorsque le preneur ne paye pas le loyer, le bail doit être résilié en application de l’article 1134 du Code civil.

Décision de la Cour

La Cour constate que le jugement attaqué a conclu que le contrat en cause avait fait l’objet d’un déguisement partiel, à savoir la stipulation d’un loyer qui était en réalité fictif, et qu’en conséquence Monsieur G. n’avait pas commis de faute en ne payant pas le loyer, et que la convention ne devait dès lors pas être résiliée.

La Cour estime en effet que les premiers juges n’avaient pas à ordonner la résiliation de la convention mais que c’est à bon droit qu’ils ont donné à celle-ci le véritable effet qu’elle a entre les parties, c’est-à-dire l’effet d’une convention d’occupation à titre gratuit.

La Cour rejette ainsi le pourvoi par Madame N.

Bon à savoir

Le contrat de louage de choses est défini à l’article 1709 du Code civil de la manière suivante : il s’agit d’un « contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige à lui payer ».

De cette définition il est possible d’identifier deux éléments essentiels pour qu’une convention puisse être qualifiée de contrat de bail au sens de l’article 1709 du Code civil. Il est en effet nécessaire qu’une chose et qu’un prix soit clairement stipulés dans le contrat2.

Le prix constitue dès lors un élément essentiel du bail. Le bail étant un contrat à titre onéreux, lorsque la jouissance a été concédée à titre gratuit, l’on est en présence d’un prêt à usage3 et non pas d’un bail4. Le même principe vaut lorsque le loyer est insignifiant5.

Lorsque l’intention des parties était de conclure un bail et que le juge constate l’absence de prix, la sanction qu’il doit prononcer est la nullité de la convention6. Toutefois lorsque le juge constate que la convention a fait l’objet d’un déguisement partiel, en ce qu’elle a stipulé un loyer fictif, et lorsqu’il estime qu’entre parties il s’agit d’une convention d’occupation à titre gratuit, il ne doit pas ordonner la résiliation du bail.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

________________________

1. Cass. (1re ch.), 5 avril 2001, Pas., 2001, liv. 4, p. 620.

2. Cass., 25 juin 1954, Pas., 1954, I, p. 928 ; Cass., 4 janvier 1979, Pas., 1979, I, p. 501.

3. Civ. Courtrai, 8 mai 1979, T. Not., 1980, p. 50.

4. Cass., 4 janvier 1979, Pas., 1979, I, p. 501.

5. Liège, 23 juin 1982, Jur. Liège, 1982, p. 349.

6. Y. Merchiers, Le bail en général, 3ème édition, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 147.