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DROIT PENAL

Droits fondamentaux

30 Janvier 2014

Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

Les garanties procédurales spécifiques du droit à un procès équitable  (3/3)

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I) La présomption d’innocence (article 6, § 2 C.E.D.H.) :

La présomption d’innocence est prévue par la disposition de l’article 6 paragraphe 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui dispose :

« Toute personne accusée d’une infraction pénale est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie » 22.

Quand y a-t-il violation de la présomption d’innocence en matière pénale ?

1. En principe, il y a violation de la présomption d’innocence lorsque l’accusation n’apporte pas la preuve de l’infraction qu’elle reproche à la partie poursuivie 23.

Ainsi énoncé, le principe ne s’applique toutefois pas de manière aussi absolue dans tous les cas. En effet, « la Convention ne prohibe pas les présomptions de fait ou de droit » 24. Dans l’espèce concernant ce directeur des publications désigné comme responsable présumé des propos diffamatoires tenus sur antenne par un journaliste, la Cour estima que ce système de responsabilité présumé « ne transgressait pas les limites raisonnables » ; et qu’en l’occurrence, le directeur incriminé pouvait encore s’exonérer de sa responsabilité présumée soit en démontrant l’inexistence d’une fixation préalable des propos litigieux, soit en prouvant la bonne foi de leur auteur 25. Les présomptions doivent demeurer dans des limites raisonnables tenant compte de la gravité des enjeux et préserver les droits de la défense 26; et il y a lieu d’observer un impératif de proportionnalité 27.

De même, en matière fiscale, lorsque des majorations d’impôt sont taxées à la suite des déclarations incorrectes sans aucune preuve apportée d’une intention frauduleuse ou de négligence coupable, la Cour n’y voit aucune violation de la présomption d’innocence 28.

2. Il y a violation de la présomption d’innocence lorsqu’ une déclaration officielle consacre la culpabilité d’un individu alors que l’infraction n’est pas ou pas encore légalement établie par la juridiction compétente appelée à statuer.

Il doit s’agir d’une déclaration de culpabilité émanant d’une autorité publique :

-          d’un juge d’instruction 29;

-          d’un juge saisi des poursuites ;

-          d’un juge chargé d’une action en indemnisation suite à une détention préventive inopérante ;

-          d’un juge chargé de la révocation d’un sursis ;

-          d’une autorité policière 30;

-          du représentant du Ministère public.

Cependant, la notion de l’autorité publique n’avait pas été retenue dans le chef d’un ministre d’Etat en Belgique et par ailleurs chef d’un parti politique, dans l’affaire Claes, Coëme et consorts 31.

La victime de la violation doit, au moment de la violation, faire l’objet d’une accusation en matière pénale 32.

Il y a des cas où la déclaration de culpabilité intervient après un acquittement au pénal, une décision d’irrecevabilité des poursuites ou un non-lieu. En cas de déclaration de culpabilité faite après un acquittement au pénal, il y aurait violation de l’article 6 § 1er s’il existe un lien que l’on arriverait à établir entre les faits objets du jugement d’acquittement et ceux faisant l’objet d’une nouvelle instance 33.

3. Il y a présomption d’innocence lorsque la déclaration de culpabilité est, in concreto, d’une teneur qui méconnaît la disposition de l’article 6 § 2 de la C.E.D.H.

Il pourrait s’agir de propos faisant part d’un état de suspicion ou plutôt d’une déclaration faisant un constat de culpabilité. Dans tous les deux cas, il y aura violation de la présomption d’innocence. En effet, ce qui importe, c’est le sens réel de la déclaration (et non le sens littéral), fût elle formulée sous une forme interrogative ou dubitative. 34, 35

 

II) Le droit d’être informé des charges et de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (article 6, § 3, a et b)

Le prévenu ou l’accusé doit être informé des charges qui pèsent sur lui. Il doit être informé non seulement des charges (faits matériels) sur lesquelles s’appuie l’accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits, de manière détaillée 36.

Et, en vertu du § 3 b) de l’article 6, le fait de mener une procédure à un rythme trop soutenu, ne permettant ainsi pas à l’accusé de pouvoir organiser sa défense, constitue également une violation du droit au procès équitable 37.

 

III) Le droit d’être assisté d’un avocat (article 6, § 3, c)

Dans sa jurisprudence traditionnelle, la Cour avait eu à souligner que le prévenu devait pouvoir bénéficier de ce droit d’assistance d’un avocat, même avant la phase de jugement proprement dite, et dès les premiers stades de l’information pénale. Toutefois, la Cour admet que ce droit n’est pas absolu, et peut être restreint « pour des raisons valables » 38.

La Cour exige toutefois de s’assurer qu’il n’y ait pas d’atteinte irrémédiable qui serait liée à l’absence d’assistance d’un avocat, ce qui serait de nature à compromettre l’équité du procès 39.

Dans un récent et retentissant arrêt, la Cour eut à réaffirmer avec force le droit à l’assistance d’un avocat avant la phase du jugement. Il s’agit de l’arrêt SALDUZ c. Turquie 40.

En l’espèce, dans sa requête, M. Yusuf Salduz, ressortissant turc « se plaignait de ce que, poursuivi au pénal, il s'était vu refuser l'assistance d'un avocat pendant sa garde à vue et n'avait pas obtenu, au stade ultime, devant la Cour de cassation, de la procédure, communication des conclusions écrites du procureur général près cette juridiction. Il y voyait une violation des droits de la défense. Il invoquait l'article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention » 41.

Au § 62, l’arrêt en conclut que « même si le requérant a eu l'occasion de contester les preuves à charge à son procès en première instance puis en appel, l'impossibilité pour lui de se faire assister par un avocat alors qu'il se trouvait en garde à vue a irrémédiablement nui à ses droits de la défense » 42.

Et, au § 63, « eu égard à ce qui précède, la Cour conclut qu'il y a eu en l'espèce violation de l'article 6 § 3 c) de la Convention combiné avec l'article 6 § 1 » 43.

Les autres garanties visant l’équité du procès pénal aux points d et e de l’énoncé de l’article 6 § 3 comprennent :

-          Le droit, pour un prévenu ne comparaissant pas, d’être représenté par un avocat ;

-          Le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge ;

-          Le droit à l’assistance d’un interprète (article 6, §3, c).

_______________

22. Article 6, § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

23.  S. Van Drooghenbroeck, La Convention européenne des droits de l’homme, Trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 2002-2004 (vol. 1),  éd. Larcier, p. 129, n° 206, p. 165, n° 263 et suiv.

24. Arrêt Radio France et autres c. France, Cour eur. D.H., 30 mars 2004, (§ 24) cité par Sébastien Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 263 et 264.

25. Ibidem.

26. Ibidem.

27. Arrêt Falk c. Pays-Bas, Cour eur. D.H., req. N° 66273/01, décision, 19 octobre 2004, op. cit., n° 263, p. 165.

28. Arrêt Janosevic c. Suède, Cour eur. D.H., 23 juillet 2002, op. cit., n° 265, p. 166.

29. Arrêt Marziano c. Italie, Cour eur. D.H. (§ 28), 28 novembre 2002, op. cit., n° 267, p. 167.

30. Arrêt Poncelet c. Belgique, Cour eur. D.H., 30 mars 2010 (req. N° 44418/07), Hudoc search page, Council of Europe, Strasbourg (définitif au 4 octobre 2010). Dans cette affaire, la cour relève au § 56 que «…dès son premier procès-verbal, l’inspecteur principal avait fait fi des explications qui lui étaient apportées ;(…) or, ce procès-verbal avait motivé la mise à l’instruction du chef de faux et de corruption. La suite de l’enquête s’est déroulée à partir de ces préjugés. Le tribunal a conclu que l’inspecteur avait initié son enquête avec des a priori défavorables aux prévenus et que les considérations formulées ne résultaient pas d’une analyse rigoureuse des éléments en sa possession mais bien des préjugés. » En conclusion, l’enquête avait été menée en violation de la présomption d’innocence et des droits de la défense. Au § 57, la cour souligna qu’  « il ressort effectivement de l’examen du dossier que l’enquêteur a mené son enquête à charge, sans prendre en considération ni les éléments à décharge ni les explications fournies par le Requérant ». 

31. Contra : Claes, Coëme, Dassault, Puellinckx, Wallyn et Hermanus c. Belgique, req. N° 46825/99 et suiv., décision du 11 décembre 2003 ; des déclarations de Louis Tobback, ministre d’Etat et chef d’un parti politique flamand, relatives à la culpabilité de Puellinckx n’ont pas été considérées comme déclarations d’une autorité publique portant atteinte à la présomption d’innocence.

32. Arrêt Zollman c. R.U. Cour eur. D.H.(req. 62902/00), décision du 27 novembre 2003, dans cette affaire, la déclaration du ministre britannique Peter Hain à la Chambre des communes à propos de la violation des sanctions imposées par l’O.N.U. à l’UNITA ne fut pas retenue comme étant en violation de l’article 6 § 1 de la convention, car aucune procédure pénale n’était encore ouverte à l’encontre des requérants au moment de la déclaration, estima la Cour. Dans un cas pareil, il ne pourrait être invoqué que la diffamation ; et les requérants pourraient éventuellement agir au civil en vue de réclamer des dommages-intérêts.

33. Arrêt Hammern O. c. Norvège, Cour eur. D.H., 11 février 2003, cité par Sébastien Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 268, p. 168 ; cas d’une nouvelle instance introduite en vue de réclamer une indemnisation à la suite d’une détention préventive inopérante dont la personne antérieurement poursuivie était l’objet.

Contra : arrêt Ringvold c. Norvège, Cour eur. D.H. 11 février 2003, ibidem, cas dans lequel le requérant était poursuivi pour des faits de violence sexuelle, puis acquitté. La victime présumée saisit ensuite une juridiction civile en réclamant des dommages-intérêts pour préjudice subi par elle, et obtînt gain de cause dans cette instance civile. La Cour estima que cette contradiction entre la décision de l’instance pénale et celle de l’instance civile provient de la différence entre les standards de preuve applicables de part et d’autre : au pénal, l’on applique le standard de la preuve au-delà de tout doute raisonnable, alors qu’au civil, l’on y applique le standard de la plus forte probabilité. Il n’y avait par conséquent pas de violation de l’article 6 § 2 de la Convention dans ce cas.

34. S. Van Drooghenbroeck, op.cit., n° 269, p. 171.

35. Arrêt Lavents c. Lettonie, Cour eur. D.H., 28 novembre 2002, (§ 127), précité, op. cit., n°269, p. 171; stigmatisant l’attitude d’un juge qui, par voie de presse, laisse entendre que le requérant poursuivi devant sa juridiction ne pourra pas bénéficier d’un acquittement, et aurait à prouver lui-même son innocence.

Arrêt Butkevicus c. Lituanie, Cour eur. D.H., 26 mars 2002, cité ibidem, à propos des déclarations du président du Parlement  selon qui : « il ne fait aucun doute que le requérant a accepté des pots-de-vin en échange des services criminels » (§ 53) ;

Contra : dans l’affaire Claes, Coëme, et alii (cité supra), la préface d’un ouvrage par le Ministre de la justice n’a pas été jugé constitutive d’une violation de l’article 6 § 2.

36. S. Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 285.

Arrêt Sipavicius c. Lituanie, Cour eur. D.H., 21 février 2002, ibidem, il était jugé contraire à l’article 6 § 3 le fait pour une juridiction pénale d’avoir requalifié par surprise l’objet des poursuites, et d’avoir ainsi pris l’accusé au dépourvu (§ 30).

37. S. Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 286, pp. 180-181.

Arrêt Craxi c. Italie (n° 1), Cour eur. D.H., 5 décembre 2002, cité ibidem, il fut tenu 38 audiences en 4 mois ; à ces audiences se sont ajoutées 4 autres audiences tenues simultanément. Cependant, il n’avait pas été démontré que les avocats du requérant n’avaient pas pu tenir le rythme et assurer efficacement la défense du requérant. Par conséquent, il ne pouvait pas y avoir violation de l’article 6 de la Convention.

38. S. Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 288, p. 181.

39. Arrêt Ocalan c. Turquie, Cour eur. D.H., 12 mars 2003 (§ 131), op. cit., Ocalan, leader du parti « P.K.K. » était interrogé pendant 7 jours sans assistance d’un conseil et avait fait des « déclarations auto-incriminantes », lesquelles ont été ensuite retenues contre lui.

40. Arrêt Salduz c. Turquie, Cour eur. D.H., (req. n° 36391/02), 27 novembre 2008, Hudoc Search page, Council of Europe.

41. Tiré du texte même de l’arrêt, in Hudoc Search page, Council of Europe.

42. Ibidem.

43. Ibidem.