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DROIT PENAL

Droits fondamentaux

30 Janvier 2014

Le droit à un procès équitable dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme

Les garanties procédurales générales au droit à un procès équitable  (2/3)

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 I) Le droit d’accès à un tribunal :

L’article 6 de la C.E.D.H. garantit ce droit à toute personne qui fait l’objet d’une accusation en matière pénale 3, ou à toute personne dont les droits et obligations de caractère civil sont contestés.

Dans l’arrêt PAPON c. France, la Cour avait reconfirmé sa jurisprudence en soulignant l’importance du contrôle de la Cour de cassation en matière pénale et l’enjeu de ce contrôle lorsqu’une personne, comme en l’espèce, a été condamnée à une lourde peine privative de liberté. La déchéance du pourvoi constituait dans le chef de Maurice PAPON une sanction particulièrement sévère au regard du droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 de la C.E.D.H.

 

II) Le tribunal doit être établi par la loi :

En vertu du principe de l’Etat de droit, tout tribunal qui ne serait pas établi par la volonté du législateur « serait nécessairement dépourvu de toute légitimité requise dans une société démocratique » 4.

 

III) Le tribunal doit être indépendant :

L’indépendance d’une juridiction suppose que « celle-ci et les juges qui la composent, soient à l’abri de toute ingérence extérieure » 5.

 

IV) Le tribunal doit être impartial :

L’impartialité s’apprécie tant sous l’angle subjectif, au regard des convictions 6 et du comportement du juge, que sous l’angle objectif, au regard des garanties que peut offrir le juge, et pouvant exclure tout doute légitime. 7

 

V) La publicité des débats :

Les audiences en ce comprise celle du prononcé doivent être, sauf exceptions ou dérogations prévues par la loi, être publiques. En effet, il appartient à la juridiction appelée à se prononcer de décréter le huis-clos lorsque celui-ci est autorisé par la loi.

 

VI) Les décisions de justice doivent être motivées :

Traditionnellement, la Cour européenne des droits de l’homme considérait que l’obligation de motiver les jugements au sens de l’article 6 de la Convention n’exigeait pas une motivation en détail des décisions. 8

Cette jurisprudence a été largement revue dans l’arrêt Taxquet c. Belgique, à travers lequel la cour soulignait que « l’évolution des conceptions en matière de droits de la défense nécessitait une exigence accrue en matière de motivation » 9. Et, en l’espèce, la Cour souligna que « la formulation des questions posées au jury des cours d’assises était telle que le Requérant Richard Taxquet « était fondé à se plaindre qu’il ignorait les motifs pour lesquels le jury avait répondu positivement » 10, notamment à la question relative à son implication dans les faits incriminés, à savoir, l’assassinat du ministre d’Etat Cools. 11

 

VII) Le principe du contradictoire :

Toutes les parties doivent pouvoir prendre connaissance et discuter des pièces, observations et arguments soumis au tribunal par la partie adverse. La Cour avait notamment eu à souligner que ce droit à la contradiction ne pouvait pas être soustrait à une partie au simple motif que celle-ci aurait fait choix de ne pas être représentée par un avocat bénéficiaire du monopole de plaidoirie devant la juridiction saisie. 12

 

VIII) L’égalité des armes :

Ce principe « requiert que chaque partie se voit offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire ». 13 Il s’agit de préserver un « juste équilibre entre les parties » 14.

 

IX) Le délai raisonnable :

En matière pénale, « le délai raisonnable débute dès l’instant où une personne se trouve accusée » Le dies a quo peut être « le jour où, pour la première fois, le requérant fut interrogé en qualité de suspect » 15; ou encore la date à laquelle des perquisitions sont menées chez la personne suspectée 16.

En matière civile par contre, le délai raisonnable court à partir de la saisine du tribunal. 17

En ce qui concerne le dies ad quem, il correspond à la date à laquelle intervient une décision définitive 18.

Le dépassement du délai raisonnable est constaté par la cour dans l’appréciation du temps écoulé entre le dies a quo et le dies ad quem. La cour statue sur le caractère raisonnable ou non du délai consacré à la procédure suivant plusieurs critères, à savoir :

-          la complexité de l’affaire

-          le comportement du requérant

-          le comportement des autorités compétentes 19, 20

-          l’enjeu du litige pour les intéressés 21

______________

3. Arrêt Papon c. France, Cour eur. D.H., 25 juillet 2002, cité par Sébastien VAN DROOGHENBROECK, La Convention européenne des droits de l’homme, Trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 2002-2004 (vol. 1),  éd. Larcier, p.102, n° 159 et suiv. ; Le requérant Maurice PAPON accusé notamment de complicité de crime de guerre et crime contre l’humanité s’était plaint de n’avoir pas eu accès à la Cour de cassation, en raison de la déchéance de son pourvoi en cassation. Il estimait en outre avoir été privé, en raison de cette déchéance, du double degré de juridiction prévu en matière pénale par l’article 2 du Protocole n° 7 à la Convention.

4. Arrêt Lavents c. Lettonie, Cour eur. D.H., 28 novembre 2002, op. cit., n° 205 (au §114, la Cour concluait à la violation de l’article 6 du fait qu’une juridiction devant statuer en matière pénale sur renvoi après cassation, n’était pas composée conformément à ce qu’exigeait la législation interne).

5. S. Van Drooghenbroeck, La Convention européenne des droits de l’homme, Trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 2002-2004 (vol. 1),  éd. Larcier, p. 129, n° 206.

Arrêt Oçalan c. Turquie, Cour eur. D.H. 12 mars 2003, op. cit., n° 210, pp. 129-130 (voyez le § 113 dans lequel la Cour juge inadmissible qu’un civil soit jugé pour des infractions touchant à la sécurité nationale par une juridiction composée, en tout ou en partie par des militaires).

Arrêt Sovtransavto Holding c. Ukraine, Cour eur. D.H., 25 juillet 2002, op. cit., n° 212, p. 131 (voyez le § 80, dans lequel la cour juge que la déclaration du Président de la République ukrainienne invitant les juges saisis à « défendre les intérêts supérieurs du Pays » « pouvait à bon droit nourrir les craintes de la partie requérante à l’endroit de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions appelées à statuer sur la cause »).

6. Arrêt Lavents c. Lettonie, Cour eur. D.H., 28 novembre 2002, déjà cité, (voyez le § 119 dans lequel des déclarations faites dans la presse par un juge appelé à statuer sur des poursuites pénales dirigées contre le requérant et critiquant publiquement la défense qui plaidait l’absence de culpabilité, et excluant explicitement toute possibilité d’acquittement ; la cour considéra que pareilles déclarations constituaient une « véritable prise de position sur l’issue de l’affaire ») ;

7. Arrêt Kyprianou c. Chypre (Grande Chambre), Cour eur. D.H., 15 décembre 2005, op. cit., n° 215, p. 133, la cour jugea contraire à l’article 6 de la C.E.D.H. le fait que des magistrats aient statué sur un délit pénal d’outrage (« contempt of court ») commis à leur encontre. Une telle situation soulève des « doutes légitimes objectivement justifiés quant à l’impartialité du tribunal » (§ 34).

8. F. Kuty, La portée de l’arrêt Taxquet (affaire Cools) de la Cour européenne des droits de l’homme, in Justice-en-ligne.be.

9. Ibidem.

10. Ibidem.

11. Arrêt Taxquet c. Belgique, Cour eur. D.H., 13 janvier 2009, Hudoc Search Page Council of Europe; et voyez aussi arrêt Taxquet c. Belgique, Cour eur. D.H., 16 novembre 2010, dit arrêt Taxquet(bis), à travers lequel la cour  (voir § 100) insista sur la compréhension des décisions de jurys d’assises. « …le requérant n’a pas disposé de garanties suffisantes lui permettant de comprendre le verdict de condamnation qui a été prononcé à son encontre. La procédure n’ayant pas revêtu un caractère équitable, il y a donc violation de l’article 6 §1 de la Convention. »

12. Arrêt Fontaine et Bertin c. France, Cour eur.D.H., 8 juillet 2003, cité par Sébastien Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 239, p. 151 

13. S. Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 244, p. 155.

14.  Ibidem.

15. S. Van Drooghenbroeck, op. cit., n° 254, p. 161, arrêt Lavents précité (§ 85)

16. Ibidem, arrêt Stratégies et communications & Dumoulin c. Belgique, Cour eur. D.H., 15 juillet 2002, cité in op. cit., (au § 42)

17. Ibidem.

18. S. VAN Drooghenbroeck, op. cit., n° 255.

19. Arrêt Stoeterij Zangersheide N.V. et autres c. Belgique (§ 35), Cour eur. D.H., 22 décembre 2004, cité in op. cit. n° 261 ; dans cette espèce, le Conseil d’Etat belge avait mis 22 années  et demi pour statuer sur la cause ;

20. Arrêt Etablissements Robert Delbrassine S.A. c. Belgique, Cour eur. D.H., 1er juillet 2004, cité in op.cit. n° 261, p. 165 ; il s’agit d’un autre cas de dépassement de délai raisonnable par le Conseil d’Etat belge.

21. S. Van Drooghenbroeck, op. cit ., n° 257.