Le budget de construction
Le budget de construction
L'architecte a l'obligation de déterminer le budget de construction. La détermination de ce budget constitue un critère primordial pour le maître de l'ouvrage dans sa décision de se lancer dans un projet de construction1. A cet égard, l’architecte doit veiller à rassembler toutes les données qu’il aura recueillies auprès de son client et de personnes tierces, telles que les administrations ou les voisins, en vue de définir le programme, c’est-à-dire le bien à construire, et le budget de construction2.
Le respect du budget constitue généralement une obligation essentielle de l'architecte et un élément nécessaire, voire essentiel pour certains3, du contrat d’architecte4. L’architecte est en effet tenu de « soumettre des projets qui restent dans les limites du programme fixé »5 dans sa mission et dans celles du budget du maître de l’ouvrage6. Il doit également informer ce dernier de l’état d’avancement des travaux, conformes au budget préétabli7.
Même si le maître de l'ouvrage avait émis le souhait de faire réaliser des travaux complémentaires, l'architecte ne pouvait ignorer, en fonction du budget indiqué dès le début des relations contractuelles, l'importance que revêtait pour son client l'impact budgétaire des travaux envisagés. Dans ce contexte, il appartient à l'architecte de songer, avant de poursuivre ses travaux, à rédiger une convention additionnelle contenant l'indication des travaux supplémentaires à réaliser et le budget approximatif à y consacrer. À défaut, l'architecte n'agit pas comme aurait agi un architecte prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances et commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité professionnelle8.
Le budget fixé avec l’accord du maître d’ouvrage doit être respecté par l’architecte dans la réalisation globale du projet. Son exécution ne peut entraîner des dépenses supérieures à celles qui avaient été initialement prévues, si ce n’est de manière marginale9. L’architecte qui ne respecterait pas le budget de construction engage sa responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage, peu importe qu’il soit un professionnel ou non, ou plus ou moins compétent dans le secteur de la construction10.
Un dépassement de 10% du budget approximatif initial est la limite maximale admissible11. Le non-respect dudit plafond constitue ainsi une faute suffisamment grave pour justifier la résolution de la convention aux torts de l'architecte6. Si ses prestations se sont avérées totalement inutiles, il sera tenu, en outre, de restituer les honoraires et avances déjà perçus. Dans certains cas, en plus de la résolution, le maître de l’ouvrage pourra réclamer une indemnité supplémentaire.
Toutefois, le dépassement du budget de construction ne peut être imputé exclusivement à l’architecte, s’il est établi que le maître de l’ouvrage a manqué à son devoir de collaboration. L’hypothèse visée est celle où le maître de l’ouvrage a négligé de prendre les décisions indispensables, quand certains choix s’imposaient ou que certaines modifications étaient nécessaires ou souhaitables. Le maître d’ouvrage doit, en effet, aussi fournir des efforts pour permettre à l’architecte de maîtriser le budget.
En outre, il y a lieu de préciser que le devoir de conseil de l’architecte en matière budgétaire n’est pas absolu. Ainsi, le maître de l’ouvrage qui a été informé par l’architecte de l’état d’avancement des travaux conformes au budget préétabli ne peut prétendre échapper au paiement des honoraires de l’architecte, en soutenant qu’il s’est engagé à la légère, et même en surestimant ses capacités12.
Enfin, il importe de souligner qu’en cas de succession d’architectes, si le premier architecte conserve sa responsabilité pour les prestations qu’il a accomplies, le nouvel architecte successeur est responsable du dépassement éventuel du budget, a fortiori lorsque les travaux n’ont pas encore débuté13.
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1. L. Van Valckenborgh, « De vaststelling van het bouwbudget en de overschrijding ervan », note sous Gand, 10 novembre 2006, T.B.B.R., 2009, p. 179.
2. J. Vergauwe, « L’architecte », in Guide de droit immobilier, IV.2.3, Waterloo, Kluwer, 2002, p. 6 ; Civ. Mons, 9 févr. 1999, Cah. dr. imm., 2000, liv. 1, p. 18.
3. W. Goossens, « Recente Cassatierechtspraak Privaat Bouwrecht », in Jaarboek Bouwrecht 2004-2005, Bruges, Die Keure, 2005, p. 159 ; Voy. toutefois Cass., 4 nov. 2004, R.G. no C020623F, Banque de données de jurisprudence externe de Phenix, qui a considéré que les obligations déontologiques de l’architecte en matière budgétaire n’ont pas pour effet d’ériger le budget de construction et les honoraires de l’architecte en éléments essentiels du contrat d’architecture.
4. B. Louveaux, « L’architecte et le budget », note sous Liège, 10 mai 2012, J.L.M.B., 2013, liv. 15, p. 837.
5. Article 16 du Règlement de déontologie approuvé par arrêté-royal du 18 avril 1985, M.B., 8 mai 1985.
6. Article 1184 du Code judiciaire ; Bruxelles, 24 novembre 1992, Rev. reg. dr., 1994, p. 522, note F. M. ; A. Delvaux, « Questions actuelles du droit de la construction », in Droit de la construction, Formation permanente CUP, 1996, pp. 90 et 91.
7. Liège, 3 novembre 1994, J.L.M.B., 1996, p. 782 ; J. Vergauwe, « L’architecte », in Guide de droit immobilier, IV.2.3, Waterloo, Kluwer, 2002, p. 9.
8. A cet égard, voy. Bruxelles (2e ch.), 18 février 2010, J.L.M.B., 2013, liv. 15, p. 830 ; A. Delvaux, B. de Coqueau, F. Pottier et R. Simar, « La responsabilité des professionnels de la construction », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Livre 23bis, Waterloo, Kluwer, 2008, pp. 17-20.
9. A. Delvaux, B. de Coqueau, F. Pottier et R. Simar, « La responsabilité des professionnels de la construction », in Responsabilités. Traité théorique et pratique, Titre II, Livre 23bis, Waterloo, Kluwer, 2008, p. 19.
10. Liège (15e ch.), 4 avril 1996, J.L.M.B., 1999, p. 5.
11. Civ. Nivelles (9e ch.), 13 février 1995, J.L.M.B., 1996, p. 425 ; A. Delvaux et D. Dessard, « Le contrat d’entreprise de construction », in Rép. not., t. IX, L. VIII, Larcier, 1991, p. 133 ; J. Wéry et P. Debroux « Dépassement des devis et des estimations, forfaits, prix anormaux, sujétions imprévues », in Statuts et responsabilités des édificateurs, Bruxelles, Publications des F.U.S.L., 1989, p. 138; Civ. Liège, 11 juin 1990, Entr. et dr., 1998, p. 25 ; B. Louveaux, « Inédits du droit de la construction V », J.L.M.B., 2008, p. 418.
12. Liège, 3 novembre 1994, J.L.M.B., 1996, p. 782.
13. Civ. Bruxelles (6e ch.), 3 juin 2003, J.L.M.B., 2004, p. 971.