Toggle Menu
1 Avocat(s) expérimenté(s)
en Droit immobilier
en Droit immobilier
  • R Rédacteur
  • F Formation
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Tous nos articles scientifiques ont été lus
92 080 fois le mois dernier
8 890 articles lus en droit immobilier
18 916 articles lus en droit des affaires
11 103 articles lus en droit de la famille
22 515 articles lus en droit pénal
3 661 articles lus en droit du travail
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici

DROIT IMMOBILIER

SERVITUDES

8 Octobre 2015

Tribunal civil de Bruxelles – Article 552 du Code civil

Tribunal civil de Bruxelles – Article 552 du Code civil

Cette page a été vue
809
fois
dont
5
le mois dernier.

Présentation des faits1

Les époux F, voisins des époux L, sont en litige concernant un arbre à haute tige.

Les époux F, ont demandé au tribunal de condamner les époux L et la SPRL L à l'arrachage de l'arbre litigieux sur la base des articles 35 et 36 du Code rural ou, à tout le moins, sur la base de la théorie des troubles de voisinage.

Le juge de paix a fait droit à la demande des époux F.

Les époux L ont fait appel de la décision du juge de paix, invoquant la possession trentenaire de l’arbre entraînant l'acquisition d'une servitude par le fait de l'homme.

Décision du Tribunal

Le tribunal rappelle tout d’abord que, conformément à l'article 552 du Code civil, le propriétaire d'un terrain « peut faire au-dessus toutes les plantations et constructions qu'il juge à propos, sauf les exceptions établies au titre des servitudes ou services fonciers ».

Le tribunal rappelle ensuite que l'article 35, alinéa 1er, du Code rural dispose toutefois qu'il n'est permis « de planter des arbres de haute tige qu'à la distance consacrée par les usages constants et reconnus ; et, à défaut d'usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres à haute tige, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres arbres et haies vives »3. À défaut, l'article 36 du même Code permet au voisin d'exiger qu'ils soient arrachés.

Le tribunal décide que l'arbre litigieux constitue, incontestablement, un arbre de haute tige. En effet, les photos produites par les parties montrent qu'il mesure, au minimum, dix mètres de haut. Selon un feuillet de l'urbanisme de la Région de Bruxelles-Capitale, l'arbre de haute tige est défini comme étant celui qui « mesure au moins 40 cm de circonférence à 1,5 m du sol et qui atteint au moins 4 m de hauteur ».

Puisque l’arbre a été planté à moins de deux mètres du fonds des époux, ces derniers sont donc en droit de se prévaloir de l'action fondée sur l'article 35 du Code rural.

Concernant le point de départ du délai de prescription trentenaire, il incombe aux époux L de l'établir. Or, force est de constater qu'ils ne démontrent pas que ce délai aurait commencé à courir plus de trente ans avant la citation. En effet, le tribunal rappelle que le délai n'a pu commencer à courir qu'à partir du moment où il est devenu apparent que, par l'aménagement qui lui était donné, l'arbre litigieux devait être qualifié d'arbre de haute tige.

En ce qui concerne l'âge de l’arbre, l'expert considérait qu'il avait « sans doute aussi » plus de trente ans « mais pas nécessairement dans son état actuel de multitronc ». Il précise encore que l'arbre litigieux « a dû être planté comme un arbre de basse tige car c'était la forme sous laquelle on le commercialisait le plus souvent ».

Le Tribunal considère dès lors, que les époux L et la SPRL L, n’établissent pas la prescription de l'action en tant qu'elle est fondée sur les articles 35 et 36 du Code rural.

Le Tribunal confirme donc le jugement du juge de paix et déboute les époux L et la SPRL L de leur appel.

Bon à savoir

L'article 35, alinéa 1er, du Code rural dispose qu’il n'est permis « de planter des arbres de haute tige qu'à la distance consacrée par les usages constants et reconnus ; et, à défaut d'usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres à haute tige, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres arbres et haies vives »4. À défaut, l'article 36 du même Code prévoit  que « le voisin peut exiger que les arbres, haies, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés »5.

La raison d'être de ces dispositions est « de prévenir les dommages et troubles anormaux que pourraient causer, aux voisins, des plantations trop proches de la limite séparative des fonds6. Elles instaurent, en d'autres termes, une servitude légale à charge du fonds sur lequel seront plantés les arbres de haute tige7.

La première question qui se pose est de déterminer ce qui constitue un arbre de haute tige. À défaut de critère légal permettant de procéder à cette distinction, celle-ci relève de l'appréciation souveraine du juge du fond. Doctrine et jurisprudence majoritaires préfèrent le critère de l'aménagement de l'arbre à celui de son essence ce qui permet de planter des haies d'arbres de haute tige en les coupant régulièrement afin qu'ils puissent être considérés comme étant des arbres de basse tige8.

Certains considèrent que la possession trentenaire d'arbres à une distance inférieure à la distance légale entraîne l'acquisition d'une servitude par le fait de l'homme, alors que d'autres considèrent qu'il s'agit d'une prescription extinctive9.

Si on retient la thèse de la prescription acquisitive, elle doit alors être apparente et continue (articles 690 et 691 du Code civil) et faire l'objet d'une possession trentenaire qui remplit les conditions de l'article 2229 du Code civil, à savoir être continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire10.

Le point de départ d'une telle prescription constitue également un problème complexe. Certains considèrent, de façon générale, que la prescription d'une action réelle commence à courir à partir du non-usage du droit réel sur lequel elle se fonde11 alors que d'autres estiment que la prescription extinctive de l'action fondée sur l'article 36 du Code rural ne commence à courir « qu'à compter de l'acte contraire à la servitude légale, c'est-à-dire à compter de la plantation de l'arbre, ou, si le titulaire du fonds dominant n'a pu s'apercevoir immédiatement de la nouvelle situation, (...) à compter du moment où il aurait pu agir pour faire respecter la servitude légale »12.

L'action réelle (d'arrachage des arbres) découlant de cette servitude légale est, elle, sujette à prescription trentenaire, ce délai se calculant à partir du jour où il est devenu apparent que l'arbre litigieux doit être qualifié d'arbre à haute tige. Lorsque le propriétaire d’un arbre à haute tige invoque une prescription trentenaire, il doit la prouver, au risque de se voir condamner à l’arrachage de l’arbre, conformément à l’article 36 du Code rural. 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

 _______________

1. Civ. Bruxelles (77e ch.), 25 novembre 2014, J.T., 2015/16, n° 6602, p. 359-362.

2. Article 552 du Code civil.

3. Article 35 alinéa 1 er du Code rural

4. Article 35 alinéa 1 er du code rural.

5. Article 36 du code rural.

6. P.-P. RENSON, « La propriété immobilière », in Rép. not., t. II, livr. 2/2, Bruxelles, Larcier, 2014, n° 166.

7. S. BOUFFLETTE, « Servitudes du fait de l'homme et servitudes légales - Chronique de jurisprudence 2001-2008 », in P. Lecocq [dir.], Chronique de jurisprudence de droit des biens, C.U.P., vol. 108, Liège, Anthemis, 2009, p. 302.

8. P.-P. RENSON, « La propriété immobilière », in Rép. not., t. II, livr. 2/2, Bruxelles, Larcier, 2014, no 169, V. MOORS, « Auprès de mon arbre, je vivais heureux. Qu'il disait... », J.L.M.B., 1997, p. 671 : « Un arbre, par essence de haute tige, ne devait causer aucun désagrément au voisin s'il est maintenu à une hauteur de deux ou trois mètres, s'il est périodiquement taillé et si ses racines sont coupées lorsqu'elles prennent de l'extension »).

9. P.-P. RENSON, « La propriété immobilière », op. cit., no 173 et les nombreuses références citées.

10. M. BURTON, « La propriété immobilière », in Rép. not., t. II, livr. 10, Bruxelles, Larcier, 1989, no 93

11. I. DURANT, « Le point de départ des délais de prescription », in La prescription extinctive - Études de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 266.

12. N. VERHEYDEN-JEANMART, P. COPPENS et C. MOSTIN, « Les biens - Examen de jurisprudence [1989-1998] », R.C.J.B., 2000, p. 303.