Toggle Menu
1 Avocat(s) expérimenté(s)
en Droit immobilier
en Droit immobilier
  • R Rédacteur
  • F Formation
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Tous nos articles scientifiques ont été lus
89 072 fois le mois dernier
8 745 articles lus en droit immobilier
17 538 articles lus en droit des affaires
10 976 articles lus en droit de la famille
22 413 articles lus en droit pénal
3 578 articles lus en droit du travail
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici

DROIT IMMOBILIER

BAIL

6 Novembre 2015

Justice de paix de Tournai - Arrêté d'inhabitabilité

Justice de paix de Tournai - Arrêté d'inhabitabilité

Cette page a été vue
350
fois
dont
2
le mois dernier.

Présentation des faits1

En février 2004, Monsieur H. et Monsieur Du. ont conclu un bail verbal de résidence principale portant sur un immeuble situé à Tournai. Le loyer a été fixé à 200 euros par mois, et aucun d’état des lieux d’entrée n’a été réalisé.

Madame De. a ensuite acquis cet immeuble par un acte authentique datant du 05 septembre 2005. Dans cet acte, il était notamment prévu que l’acquéreur « prendra le bien dans son état actuel » et qu’il aura la jouissance du bien par la perception des loyers.

Madame De. a envoyé un courrier à chaque locataire de l’immeuble les informant du changement de propriétaire ainsi que du fait qu’à partir du 1er septembre 2005, les loyers devaient lui être payées à elle. Elle les a également avisés du fait que d’importants travaux «  de sécurité » et « de relookage » allaient être réalisés « sous six à huit mois ».

Le 29 mai 2006, un arrêté d’inhabitabilité de l’immeuble a été pris par le bourgmestre de la ville de Tournai en raison de la non-conformité de l’installation électrique et de l’absence de permis de location. Aucun recours n’a été introduit contre cet arrêté. Cet arrêté n’avait pas vocation à être définitif dès lors qu’il envisageait la faculté de relouer le bien après qu’il ait été mis en conformité et qu’un permis de location ait été délivré.

Le 14 juin 2006, Madame De. a de nouveau envoyé un courrier aux locataires afin de leur confirmer qu’elle était d’accord avec l’arrêté d’inhabitabilité mais également que d’importants travaux allaient être réalisés, en fonction des possibilités des entrepreneurs. Elle leur a en outre précisé qu’elle ne s’opposerait pas à une résiliation du bail avant les travaux.

Le 25 juillet 2006, le conseil des locataires a écrit un courrier à Madame De. lui faisant part de leur énervement face aux retards dans la réalisation des travaux, et qu’en conséquence ils suspendaient le paiement des loyers « à ce jour ».

Dans un courrier datant du 27 juillet 2005, Madame De. a affirmé qu’elle ne manquait pas à ses obligations contractuelles et a précisé que Monsieur Du. lui devait toujours le loyer pour le mois de juillet.

Le 11 janvier 2007, l’arrêté d’inhabitabilité a été annulé par le bourgmestre de la ville de Tournai.

Madame De. a introduit une action en justice contre Monsieur Du. afin de voir celui-ci condamné au paiement de loyers allant de juin 2006 à janvier 2007 ainsi qu’au paiement d’une indemnité de relocation de 400 euros.

Monsieur Du. conteste la demande de Madame De. et considère que le bail doit être frappé de nullité de manière rétroactive suite à l’arrêt d’inhabitabilité du 29 mai 2006. Par demande reconventionnelle, il demande le remboursement de la somme de 5.600 euros payée au titre de loyers entre février 2004 et juin 2006, le paiement de 500 euros à titre d’indemnisation des frais de déménagement et l’octroi d’un délai de six mois pour libérer les lieux.

Décision

Le juge considère qu’un bail verbal de résidence principale a bien été conclu entre Monsieur H. et Monsieur Du. en février 2004 et que Madame De. est devenue le bailleur suite à l’acte authentique de vente du 5 septembre 2005.

De plus, Monsieur Du. ne peut pas nier le fait qu’il a loué un appartement ne répondant pas aux normes de sécurité, de salubrité et d’habitabilité, et ce en toute connaissance de cause.

Le 9 septembre 2006, c’est-à-dire trois mois après la notification de l’arrêté d’inhabitabilité à Madame De. le 9 juin 2006, le juge estime qu’il y a perte juridique temporaire de la chose, et qu’en conséquence les obligations en découlant étaient suspendues.

Le bail ne doit pas être frappé de nullité rétroactive puisqu’uniquement ses effets ont été suspendus. Le juge précise également que la suspension des obligations découlant du bail est opposable à Madame De. qui a repris tous les droits et obligations attachés à la location de l’immeuble en ayant signé l’acte de vente le 5 septembre 2005.

La perte juridique de la chose a eu lieu entre le 9 septembre 2006 et le 11 janvier 2007, puisqu’à partir de cette date, l’arrêté d’inhabitabilité a été annulé. Les obligations des parties ont donc recommencé à courir à compter du 11 janvier 2007.

La conséquence à attacher à la perte juridique temporaire de la chose est la suspension du paiement des loyers entre le 09 septembre 2006 et le 11 janvier 2007. Le juge considère toutefois que pour les périodes antérieures et postérieures à ces dates, Monsieur Du. est bien redevable du loyer.

Le juge condamne dès lors Monsieur Du. au paiement des loyers des mois de juillet et août 2006, des neuf premiers jours de septembre 2006, des 20 derniers jours de janvier 2007, de février et de mars 2007.

La demande reconventionnelle de Monsieur Du. est par ailleurs rejetée.

Bon à savoir

Un bail portant sur un immeuble insalubre peut valablement être conclu, puisqu’un tel immeuble n’est pas considéré comme étant hors du commerce2. Dans cette hypothèse, le bail ne sera pas nul. La nullité pourra toutefois intervenir sur base de deux fondements : soit parce que le bail porte sur un objet illicite, soit parce qu’il y a eu erreur sur la substance3.  

Lorsqu’un arrêté d’inhabitabilité a été pris par le bourgmestre au motif que le bien ne répond pas aux normes de sécurité, de salubrité et d’habilité, il est possible qu’il y ait perte de la chose. Il y a en effet perte de la chose « lorsque la jouissance, telle que les parties l’ont voulue en contractant, eu égard à la destination de la chose envisagée dans le bail, n’est plus possible »4. La perte de la chose peut être soit matérielle soit juridique. Dans le cas d’un arrêté d’inhabitabilité, il s’agit bien de la perte juridique de la chose5.

En cas de perte partielle de la chose, deux conséquences sont possibles : soit le prix sera diminué, soit le bail sera résilié6. Même s’il est vrai que le choix appartient normalement au preneur, le juge conserve un pouvoir d’appréciation. Il pourra dès lors refuser la résolution du bail.

Lorsque la perte de la chose est juridique, les obligations des parties seront suspendues. Ainsi, dans le cas d’un arrêté d’inhabitabilité, le preneur ne devra pas payer le loyer pendant la durée de cet arrêté.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

 ______________________

1. J.P. Tournai, 10 avril 2007, J.L.M.B., 2008, p. 514.

2. Y. Merchiers, Le bail en général, 3ème édition, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 129.

3. Corr. Termonde, 3 avril 2006, T. Strafr., 2007, p. 71 ; Corr. Gand, 24 juin 2008, R.W., 2008-2009, p. 1697 ; J.P. Grâce-Hollogne, 17 septembre 1999, J.L.M.B., 2000, p. 898 ; J.P. Tournai, 10 avril 2007, J.L.M.B., 2008, p. 514 ; J.P. Etterbeek, 7 novembre 2008, J.J.P., 2010, p. 318. Pour une analyse plus détaillée, voy. L. Tholome et C. De Fresart, « L’état du bien loué et le bail de rénovation », dans X., La dé-fédéralisation du bail d’habitation : quel(s) levier(s) pour les Régions, Bruxelles, Larcier, 2014, pp. 23 à 48.

4. Y. Merchiers, Le bail en général, 3ème édition, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 355.

5. Pour des exemples de décisions où le bien était devenu vétuste ou insalubre, voy. J.P. Bruxelles, 15 juillet 1963, J.T., 1963, p. 576 ; J.P. Bruges, 9 janvier 1998, Act. jur. Baux., 1999, p. 42.

6. Article 1722, C. Civ.