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DROIT DES AFFAIRES

Abrégés juridiques

24 Aout 2016

La prescription des factures d'energie

La prescription des factures d'énergie

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La prescription des factures d’énergie a toujours fait l’objet de nombreuses controverses tant au niveau de la doctrine qu’au niveau de la jurisprudence. Il semble qu’une intervention du législateur dans cette matière soit nécessaire.

Dans un arrêt de principe du 6 février 19981, la Cour de cassation a consacré la règle selon laquelle le délai de prescription des factures de fourniture de services de télécommunications, de fourniture d’électricité et de distribution d’eau, est de dix ans, en application de l’article 2262bis du Code civil2.

Ce principe a été entièrement invalidé par la Cour Constitutionnelle, laquelle a précisé dans un arrêt du 19 janvier 20053 que « l’article 2277 du Code civil interprété en ce sens que la prescription quinquennale qu’il prévoit s’applique aux dettes périodiques relatives à la fourniture d’eau, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution »4.

Le même raisonnement a été suivi, deux ans plus tard, par la Cour constitutionnelle concernant des factures de téléphonie5.

Par la suite, la Cour de cassation s’est ralliée à la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, notamment dans un arrêt du 25 janvier 20106. Cette affaire opposait un débiteur de factures de téléphonie à un gros opérateur belge. La Cour de cassation a ainsi considéré, par cet arrêt, que «  le jugement attaqué, qui constate que la demande de la société de télécommunication tend au paiement de factures périodiques établies pour des fournitures de téléphonie mobile à des intervalles inférieurs à une année, n’a pu, sans violer l’article 2277 du Code civil, refuser d’appliquer la prescription liée à cette disposition aux motifs qu’en l’espèce, le décompte de la société de télécommunication est arrêté au 7 mars 2002 et que la créance est par conséquent une dette de capital et ne présente pas un caractère de périodicité »7.

La Cour de cassation a donc validé la prescription quinquennale, en application de l’article 2277 du Code civil, en matière de factures de téléphonie. La doctrine a considéré que les factures de téléphonie et les fournitures d’énergies sont à ce point similaires qu’il fallait en déduire que la prescription quinquennale s’applique également aux fournitures d’eau, d’électricité, de gaz et de télédistribution8.

Le délai de prescription de cinq ans a ainsi été appliqué par les cours et tribunaux jusqu’à ce qu’un arrêt de la Cour de cassation du 8 janvier 2015 déclare que les factures de fournitures peuvent se prescrire après un délai d’un an, en application de l’article 2272 du Code civil.

En effet, la Cour de cassation a précisé dans cet arrêt que ce n’est que si l’existence de la créance est constatée par un écrit et qu’elle est payable par année que les arrérages, par application de l’article 2277 du Code civil, se prescrivent par cinq ans. La Cour a rajouté que ce n’est pas parce qu’en règle générale, une preuve écrite est établie dans les contrats relatifs à des fournitures et que les factures sont adressées par le fournisseur au consommateur, que l’action du fournisseur d’énergie contre le consommateur en paiement de fournitures périodiques d’électricité est toujours régie par l’article 2277 du Code civil9.

Dès lors, selon la jurisprudence récente de la Cour de cassation, les fournitures faisant l’objet d’une facture sont .

Rappelons que l’article 2272 Code civil dispose que « L'action des […] marchands, pour les marchandises qu'ils vendent aux particuliers non marchands […], se prescrivent par un an ». En réalité cette disposition vise les créances des marchands mais également celles des huissiers, des hôteliers et des domestiques.

La raison pour laquelle le législateur a prévu une prescription annale dans les actions reprises ci-avant est que l’usage fait que ces dettes sont rarement constatées par un écrit étant donné que les débiteurs payent rapidement voire même au comptant11. L’intérêt était donc d’éviter qu’un marchand puisse réclamer le paiement d’une dette déjà payée.

Soulignons que la prescription annale ne s’appliquera pas lorsqu’il existe un écrit qui émane du consommateur et qui constate l’existence de la créance. Dans cette hypothèse, la prescription est celle prévue par l’article 2277 du Code civil, à savoir cinq ans.

Certains auteurs de doctrine regrettent la jurisprudence récente de la Cour de cassation car ils doutent que les factures de téléphonie, les fournitures d’eau, de gaz ou d’électricité entrent dans les opérations pour lesquelles le législateur a voulu protéger les acheteurs12

D’autant que les auteurs pointent du doigt le fait qu’à l’heure actuelle, la majorité des paiements des factures d’énergie sont réalisés.

La doctrine va même plus loin en précisant que la prescription annale prévue par l’article 2272, alinéa 2 du Code civil ne peut s’appliquer aux créances d’énergie14.

Pour éviter les controverses et les doutes, il serait utile que le législateur clarifie la situation et qu’il prévoie un délai de prescription spécifique pour les fournitures d’énergie, au regard de la pratique actuelle.

_________________________________

1. Cass., 06 février 1998, Pas., 1998, I, pp. 192.

2. O. Lesuisse, « La Cour de Cassation, l’article 2277 du Code civil et les factures de téléphonie (et autres factures énergétiques) », 14 avril 2010, disponible sur www.belgavoka.be

3. C.C., 19 janvier 2005, n°15/2005.

4. L-A Nyssen et D. Philippe, « La prescription des créances d’énergie : un grand tohu-bohu », J.L.M.B., 2015/41, p. 1944-1956.

5. C.C., 17 janvier 2007, n°13/2007.

6.  Cass., 25 janvier 2010, J.L.M.B., 2010, p. 1307.

7.  Idibem.

8.  O. Lesuisse, « La Cour de Cassation, l’article 2277 du Code civil et les factures de téléphonie (et autres factures énergétiques) », 14 avril 2010, disponible sur www.belgavoka.be; C. Parmentier, « La même solution devra s’appliquer, selon nous, aux factures de fourniture d’eau, de gaz, et d’électricité, etc. et qui sont établies périodiquement », note sous Cass., 25 janvier 2010, J.L.M.B., 2010, p. 1308 ; M. Regout-Masson, « La prescription libératoire en matière civile – Examen de la jurisprudence publiée de janvier 2007 à juin 2012 », J.T., 2012/34, p. 702.

9. Cass., 8 janvier 2015, R.G. n° C.14.0268.F, disponible sur www.juridat.be.

10. « Les factures d’électricité soumises à la prescription de un an – Arrêt de la Cour de cassation 8 janvier 2015 », disponible sur www.mediationdedettes.be.

11. C. Marr, « Le délai de prescription applicable aux dettes de fourniture d’énergie », J.T., 2009, p. 595 ; J.P. Visé, 10 juillet 2012, J.J.P., 2013, p. 614.

12. Fr. De Patoul, « Les prescriptions courtes en matière de fourniture d’énergie, d’eau et de téléphonie », J.J.P., 2013, p. 617 ; L-A Nyssen et D. Philippe, « La prescription des créances d’énergie : un grand tohu-bohu », J.L.M.B., 2015/41, p. 1944-1956.

13. Fr. De Patoul, « Les prescriptions courtes en matière de fourniture d’énergie, d’eau et de téléphonie », J.J.P., 2013, p. 617 

14.  L-A Nyssen et D. Philippe, « La prescription des créances d’énergie : un grand tohu-bohu », J.L.M.B., 2015/41, p. 1951.