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DROIT DES AFFAIRES

DROIT DES OBLIGATIONS

30 Septembre 2015

Cour d’appel de Bruxelles

Cour d’appel de Bruxelles

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Présentation des faits1

Fin 1984, Monsieur A. rencontre Madame V., alors propriétaire de deux immeubles, l’un où elle habite et l’autre qu’elle donne en location. Ils entament par ailleurs une relation de couple.

Monsieur A. a par ailleurs effectué des travaux pour Madame V. dans l’immeuble qu’elle donnait en location, et ce après avoir donné congé à son locataire. A partir d’octobre 1987, les deux parties emménagent dans cet immeuble tout en continuant les travaux de rénovation.

En outre, les deux parties ont décidé de mettre leurs revenus en commun. Monsieur A. verse dès lors toutes ses rémunérations sur le compte de Madame V.

En 1988, les deux parties décident d’acheter un mobilhome, payé au moyen d’un acompte (de 494.999 BEF) et d’un financement (de 550.000 BEF) contracté par les deux parties. Malgré le fait que la commande soit aux deux noms, la facture est adressée à Monsieur A.

En mars 1993, Monsieur A. quitte Madame V., emportant avec lui la moitié des sommes portées au crédit de livrets d’épargne, des titres pour une valeur de 750.000 BEF et le mobilhome.

Le premier juge a estimé que Monsieur A. ne pouvait pas invoquer l’enrichissement sans cause pour les travaux effectués dans l’immeuble de Madame V. car il agissait avec l’idée de vivre dans l’immeuble avec Madame V., que les travaux avaient pour but d’améliorer son cadre de vie et constituaient sa contribution aux charges de la vie commune.

Monsieur A. a interjeté appel de ce jugement. En degré d’appel, il réclame également le remboursement des sommes qu’il avait versées sur le compte de Madame V., sous déduction d’une somme pour la participation aux frais du ménage.

Décision de la Cour d’appel de Bruxelles

Tout d’abord, la Cour rappelle qu’il n’y a pas d’enrichissement sans cause lorsque l’appauvrissement trouve sa cause dans la volonté de l’appauvri qui agit soit par intention libérale, soit en spéculant sur un résultat attendu.

Par ailleurs, il est important de souligner que c’est à l’appauvri qu’il revient d’apporter la preuve de l’absence de cause de son appauvrissement. Dès lors, la Cour rappelle que la règle selon laquelle l’intention libérale ne se présume pas ne s’applique pas en cette matière.

La Cour estime que les travaux ont été effectués à la fois dans une intention libérale et dans l’intérêt de l’appelant qui était justifié par les avantages qu’allait lui fournir la cohabitation future avec Madame V. La Cour d’appel invoque plusieurs faits à l’appui de son argumentation, et notamment le fait qu’il n’a jamais demandé le remboursement des matériaux qu’il utilisait pour les travaux, qu’il n’a pas pris les précautions nécessaires en entourant son action d’un cadre contractuel et enfin qu’il a attendu près d’un an après la rupture pour faire ses demandes, et ce uniquement lorsque sa compagne a exigé le paiement de la moitié du mobilhome et de l’argent qu’il avait pris avec lui en partant.

La Cour considère, par ailleurs, que le même argument vaut pour les travaux réalisés pendant la vie commune, ceux-ci s’inscrivant en outre dans le cadre de sa participation aux charges du ménage.

Monsieur A. n’a pas pu apporter la preuve de l’importance des travaux dont il demande le remboursement.

Quant à la demande de remboursement des sommes versées à Madame V. durant la vie commune, la Cour estime la demande de Monsieur A. non fondée. Elle constate, en effet, que ce celui-ci s’appuie sur une situation de fait, à savoir la constitution d’un ménage de fait, qui n’engendre aucun effet juridique. De telle sorte que les parties ne peuvent pas, après la rupture, prétendre au remboursement de leurs contributions sous prétexte que celles-ci seraient déséquilibrées. La Cour rappelle, par ailleurs, que la demande de l’appelant ne s’inscrit pas à cet égard dans le cadre d’une liquidation-partage de biens acquis en commun, contrairement au mobilhome, aux titres et à la voiture.

Bon à savoir

L’enrichissement sans cause est une théorie développée par la doctrine et la jurisprudence, basée sur le principe d’équité2. La Cour de cassation belge a mis en œuvre cette théorie pour la première fois dans un célèbre arrêt de principe du 27 mai 19093.

Pour qu’il y ait enrichissement sans cause, il faut qu’une personne s’appauvrisse et que cet appauvrissement procure un enrichissement corrélatif à une autre personne, et ce sans que ceux-ci ne se justifient pas une cause4.

La personne qui est appauvrie bénéficie d’une action spécifique, à savoir l’action « de in rem verso »5.

L’enrichissement sans cause est à ranger dans la catégorie des quasi-contrats, à côté de la gestion d’affaires et de la répétition de l’indu6. Cependant, contrairement à ces deux théories, l’enrichissement sans cause n’est ni défini ni régi par le code civil7.

Les conditions d’application de l’enrichissement sans cause ont dès lors été développées par la doctrine et la jurisprudence. Ces conditions sont les suivantes : un enrichissement, un appauvrissement, un lien causal entre l’enrichissement et l’appauvrissement et l’absence de cause8.

En matière familiale, il est assez rare que l’enrichissement sans cause soit admis par les tribunaux, et ce puisque l’époux qui s’appauvrit le fait en général avec une intention libérale.9 Lorsqu’une personne réalise des travaux dans un immeuble appartenant à sa compagne, dans l’idée de s’y installer pour y vivre, elle décide de s’appauvrir avec une intention libérale.

Tel est le cas lorsque le compagnon choisit de réaliser les travaux sans se doter d’un cadre contractuel protégeant son action et ne prend pas la peine de demander le rembourser des frais déboursés pour les matériaux nécessaires à la réalisation des travaux. Tel est également le cas lorsque le compagnon n’entame pas démarches pour obtenir le remboursement des frais déboursés lors des travaux, mais attend que sa compagne exige le remboursement des sommes et biens qu’il avait emportés lors de la rupture pour demander le remboursement des travaux.

La théorie de l’enrichissement sans cause ne trouve pas à s’appliquer dans pareils cas.

____________________

1. Cour d’appel de Bruxelles (2e chambre), 4 juin 2003, J.T., 2004, p. 661.

2. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 1108.

3. Ibidem, p. 1111.

4. S. Stijns, W. Van Gerven et P. Wery, « Chronique de jurisprudence. Les obligations : les sources (1985-1995) », J.T, 1996, p. 699 ; P. Van Ommeslaghe, op. cit., p. 1107.

5. Ibidem.

6. Les quasi-contrats sont définis par l’article 1371 du code civil.

7. B. Gennard et L. Taymans, « La théorie de l’enrichissement sans cause appliquée aux comptes entre ex-époux séparés de biens ou ex-concubins », R.T.D.F, 2007/03, 617.

8. Ibidem.

9. Bruxelles, 4 juin 2003, J.T., 2004, p. 661 ; Bruxelles, 27 février 2001, R.W., 2001-2002, p. 844.